Maroc - Nigeria : le port de Dakhla, un casse-tête pour le projet de gazoduc ?
Situé dans le Sahara occidental, le port de Dakhla est un point stratégique pour la concrétisation du projet de gazoduc continental NMGP devant relier le Nigeria au Maroc en vue d’exporter le pétrole vers l’Europe. La récente visite d’une délégation nigériane dans ce port a relancé le débat autour de la faisabilité du projet.
Une délégation gouvernementale du Nigeria, conduite par Olufemi Oloruntola, secrétaire permanent du ministère nigérian des Transports, de la Marine et de l’Économie bleue, a effectué une visite d'affaires dans la ville de Dakhla le 1er août dernier, a rapporté l’agence de presse d’État marocaine MAP.
La mission s’est rendue notamment au chantier de réalisation du projet du port Dakhla Atlantique, considéré comme pièce maîtresse pour dans le mégaprojet de gazoduc continental Nigeria-Morocco Gas Pipeline (NMGP) devant relier le Nigeria au Maroc en vue d’exporter le pétrole vers l’Europe.
Le NMGP marocain propose, en effet, de longer les côtes ouest-africaines au large de treize pays ouest-africain ainsi que les côtes du Sahara occidental, un territoire disputé.
La visite de la délégation nigériane dans le port de Dakhla a relancé ainsi le débat dans le pays sur la faisabilité de ce grand projet de gazoduc, d’autant plus que le port de Dakhla est situé dans le territoire disputé du Sahara occidental. Pour l’heure, le Polisario n’a toujours pas réagi à la visite de la délégation gouvernementale nigériane à Dakhla, ont relevé plusieurs médias marocains.
Sahara occidental, un hic majeur ?
L’agence de presse MAP a rappelé, dans ce sens, que le Nigeria reconnait la république sahraouie depuis 1984, mais qu’Abuja a commencé toutefois à se rapprocher du Maroc notamment sous l’ancien président Muhammadu Buhari (2015-2023). Un rapprochement renforcé davantage avec la signature, en juin 2018 à Rabat, du projet du gazoduc Nigeria-Maroc, souligne encore le média marocain.
Le Sahara occidental, ancienne colonie espagnole, est considéré comme un «territoire non autonome» par l’ONU en l’absence d’un règlement définitif.
Depuis près de 50 ans, un conflit armé y oppose le Maroc à l’Algérie voisine. Rabat prône un plan d’autonomie sous sa souveraineté exclusive, tandis que l’Algérie et le Polisario réclament un référendum d’autodétermination sous l’égide de l’ONU, prévu lors de la signature en 1991 d’un cessez-le feu, mais jamais concrétisé.
Alors que les relations entre le Maroc et l’Algérie sont déjà au plus bas en raison du conflit autour de ce ce territoire, le projet de gazoduc censé relier le Nigeria à l’Europe est en soi au centre d’une bataille pour le moins acharnée entre les deux pays voisins.
Alors que le NMGP marocain propose de longer les côtes ouest-africaines au large de 13 pays, le Trans-Saharan Gas Pipeline (TSGP) algérien vise à relier le Nigeria à l’Algérie en passant par le Niger. Les deux pays nord-africains jouent des coudes depuis plusieurs années pour que ce gazoduc passe par leur territoire.
Le projet algérien semble avancer
Du côté d’Alger et de Niamey, les choses semblent en tout cas avancer. Pas plus tard que ce 7 août, l’entreprise d’État algérienne Sonatrach a annoncé la reprise de ses activités pétrolières au Niger, au moment où les deux pays poursuivent les concertations pour concrétiser le mégaprojet de gazoduc transsaharien TSGP.
Le ministre de l'Énergie Mohamed Arkab, avait affirmé le 18 mai dernier, depuis l’Italie, que son pays œuvrait «d'arrache-pied» afin de «renforcer» ce projet.
En effet, «2 200 km sur 4 000 km sont déjà une réalité», avait annoncé le ministre algérien, assurant que les infrastructures de son pays étaient «prêtes», en attendant de «compléter celle des deux pays voisins» [le Niger et le Nigeria].
De son côté, le ministre nigérien des Affaires étrangères, Yusuf Tuggar, avait affirmé le 18 décembre 2023, depuis la ville d’Oran en Algérie, que le TSGP réalisait des «progrès significatifs et notables».
En février 2022, l'Algérie, le Niger et le Nigeria avaient affirmé leur engagement à concrétiser ce projet stratégique, lors d'une réunion à Niamey regroupant les ministres chargés du secteur de l'énergie des trois pays, à l'issue de laquelle une «feuille de route» avait été mise en place.
En juillet de la même année, un mémorandum d'entente avait été signé à Alger, portant sur la concrétisation du projet du TSGP.
Alors que le projet algérien, qui semble avancer, est confronté à des risques sécuritaires majeurs, le projet marocain bute encore sur plusieurs contraintes, notamment contre celle du port de Dakhla. Ayant chacun ses défenseurs et ses détracteurs, les deux mégaprojets se livrent toujours bataille.