Sénégal : après le report de la présidentielle, le président Sall appelle à des mesures d’«apaisement»
- Avec AFP
Le président sénégalais Macky Sall a ordonné à son gouvernement de prendre des mesures d'«apaisement» face au tollé causé par le report de la présidentielle, tandis que l'opposition et la société civile continuent d'essayer d'organiser la riposte.
La pression ne retombe pas au Sénégal, après le report à la dernière minute de l'élection présidentielle du 25 février. Le président sénégalais Macky Sall fait également face à des pressions internationales. La Communauté des États ouest-africains (Cédéao) réunit au Nigeria les ministres des Affaires étrangères des États membres, et le Sénégal, réputé comme un des bons élèves de l'organisation, risque pour la première fois depuis longtemps de figurer au menu de crise au côté du Burkina Faso, du Mali et du Niger.
La Cédéao a demandé le 6 février au Sénégal de rétablir «de toute urgence» le calendrier de la présidentielle, initialement prévue le 25 février et repoussée à la dernière minute au 15 décembre, malgré la bronca de l'opposition et d'une grande partie de l'opinion.
L'Union européenne, s'alignant sur la Cédéao, a à son tour appelé à revenir au 25 février. Un autre allié, les États-Unis, a jugé illégitime le vote ajournant l'élection. Ces partenaires du Sénégal ont exprimé leur inquiétude devant le risque de troubles, mais aussi devant le coup porté à la pratique démocratique dont le Sénégal est volontiers cité comme un exemple dans une région où se succèdent les putschs et les faits accomplis. Les autorités sénégalaises ne semblent pas prêtes à reconsidérer le report.
Présidentielles : les députés approuvent le report du scrutin
«Nous entendons bien ce message», a déclaré le 7 février au soir, depuis le Nigeria, le ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Étranger Ismaïla Madior Fall à la télévision française France 24, «mais nous privilégions aujourd'hui la logique politique interne».
Le président Sall avait décrété le 3 février le report de la présidentielle, trois semaines avant l'échéance, en pleine bagarre politique sur les candidatures retenues ou écartées pour le scrutin.
L'Assemblée nationale a approuvé le 5 février un ajournement au 15 décembre, avec les voix du camp présidentiel et des partisans d'un candidat recalé et sous la protection des gendarmes. Elle a également voté le maintien de Macky Sall au pouvoir jusqu'à la prise de fonctions de son successeur, vraisemblablement début 2025. Le deuxième mandat de Macky Sall expirait officiellement le 2 avril. Après avoir entretenu le doute pendant des mois, il a répété à différentes reprises l'engagement pris en 2023 de ne pas se représenter.
L'opposition crie au «coup d'État constitutionnel», accusant une manigance pour éviter la défaite du candidat du camp présidentiel, voire pour maintenir Macky Sall à la tête du pays encore plusieurs années. De violents heurts ont éclaté suite à l’annonce du report de la présidentielle. Plusieurs candidats ont fait part de leur intention de continuer à faire campagne et ont appelé à un front commun des acteurs politiques et sociaux.
Appels à des journées «ville morte»
Malgré une indignation largement répandue et des informations éparses sur des appels à la grève, des sit-in ou trois journées ville morte à partir de ce 8 février, la contestation cherche toujours à s'organiser. Un collectif revendiquant une quarantaine d'organisations de la société civile, dont plusieurs syndicats, prévoient une journée ville morte le 9 février à Dakar où la vie, ralentie par la crainte en début de semaine, suivait son cours habituel ce 8 février.
Face à l'une des plus graves crises politiques des dernières décennies, le président Sall a déclaré le 7 février en Conseil des ministres sa volonté d'engager un processus «d'apaisement et de réconciliation», rapporte un communiqué de ses services. Il a «demandé au gouvernement, notamment [à la] ministre de la Justice, de prendre les dispositions nécessaires pour matérialiser sa volonté de pacifier l'espace public», ajoute le communiqué sans autre précision. Macky Sall a réaffirmé «sa décision de ne pas prendre part à l'élection» et a «renouvelé sa confiance au Premier ministre Amadou Ba».
Des interrogations entourent ce dernier, désigné candidat du camp présidentiel par Macky Sall lui-même. Amadou Ba est vivement contesté dans son propre camp. Il a gardé le silence publiquement sur la crise en cours. Le communiqué de la présidence dit qu'il a «réitéré sa loyauté au président» et exprimé son soutien au report de l'élection.