En hausse dans les sondages alors même qu'il ne s'est pas déclaré candidat, Eric Zemmour surfe pour l'heure sur l'alchimie qui s'est créée avec son potentiel électorat. Lydia Guirous en décrypte les raisons.
Zemmour n'est pas un phénomène mais un anti-phénomène. Pas de révolution utopique, pas de big bang technocratique, pas de terrorisme verbal germano-pratin mais des constats simples, des leitmotiv simples, des solutions simples et une communication accessible et directe.
Mais ce ne sont pas véritablement les propositions ou les constats de ce dernier qui font son originalité, car la plupart des constats/propositions qui font le cœur de sa campagne, notamment l'immigration et le communautarisme islamique... ont été posés depuis plusieurs années par de nombreux analystes ou personnalités politiques. Ce qui fait cette alchimie nouvelle, un peu à la Trump, entre un homme et un électorat, qui ne cesse de croître, repose essentiellement sur quatre éléments :
- l'absence de bilan politique qui le place de fait en homme providentiel. Il se présente devant les Français comme ils le sont eux-mêmes : extérieur au «système politico-médiatique dominant». Il est en passe de réussir à incarner le peuple, les déçus, les sans-voix, les déclassés, les perdants d'une mondialisation incontrôlée et incontrôlable. Il est l'incarnation de cela pour une partie de l'électorat du transfuge de classe qui les comprend et va les sauver... de la gauche jusqu'à la droite.
- une immense maîtrise des médias et du système médiatique. Effectivement l'homme est un animal politique qui sait exactement quand franchir la ligne rouge ou pas, quand faire du buzz et quand reprendre de la hauteur. Il a réussi à habiller le discours de Le Pen et de la droite des Républicains en le plaçant dans une dynamique intellectuelle et historique, qui flatte les gens qui l'écoutent. Voter Zemmour c'est voter pour une version high level de Marine Le Pen, qui donne bonne conscience et décomplexe... à gauche comme à droite. L'électorat se sent érudit en l'écoutant.
- un programme d'exaltation nationaliste qui ratisse large, de Barrès à de Gaulle, dans lequel de nombreuses personnes se reconnaissent. Effectivement Zemmour brouille les cartes en en appelant parfois à la terre des morts et parfois à la France résistante et fière de de Gaulle. Avec en dénominateur commun : la France, rien que la France.
- la désignation, sans complexe et sans langue de bois, d'un bouc émissaire : «l'immigration arabo-musulmane» et le «grand remplacement» dont elle est le corollaire. Sujet on ne peut plus classique et dont on parle depuis 40 ans au moins, même à gauche avec Jean-Pierre Chevènement ! Mais lui (Zemmour) n'a pas déçu, car il n'a pas de bilan... donc il n'a pas trahi. Et c'est là que le miracle s'opère. Une partie de l'électorat lui fait confiance pour lutter contre ce qu'il qualifie de «remplacement» et qu'une grande partie de la population aujourd'hui, ressent comme une menace fondamentale.
Finalement, Zemmour est le candidat anti-système qui connaît le mieux le système... car il en sort lui-même. Mais pour l'instant de nombreux électeurs, ne semblent pas lui en tenir rigueur, permettant à l'alchimie de se poursuivre.