En nommant Jean Castex Premier Ministre, énarque cumulard, Macron confirme qu’il veut apparaître comme le seul véritable homme d’État du quinquennat.
Voilà donc que Jean Castex, maire de la petite ville Prades et «Monsieur Déconfinement», remplace Édouard Philippe. C’est un fonctionnaire qui fonctionne : ex-conseiller de Sarkozy, ex-directeur de cabinet du ministre Xavier Bertrand, secrétaire général adjoint de l’Élysée sous Sarkozy, délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, il est l’homme des dossiers et des réunions avec les administrations. Il aime les comités de coordination qui réunissent douze entités, les postes charnières et les fonctions courroies, il aime être connu des initiés, il aime être un haut fonctionnaire, un «grand commis de l’État», comme on dit.
Macron est allé chercher un homme sans envergure sinon sans ambition, et surtout un représentant parfait de cette élite hors-sol
On ne sait pas si il aime être falot, mais c’est aussi pour ça qu’il a été choisi. Macron est allé le tirer de nulle part, avec ce génie du pays légal pour la surprise raffinée qui n’est goûtée que par les connaisseurs : proche de Xavier Bertrand, ne va-t-il pas tuyauter Macron sur un rival déclaré pour 2022 ? Réputé de la «droite sociale», c’est-à-dire de gauche mais avec une certaine lenteur, ne va-t-il pas tempérer les ardeurs écologistes et n’est-il pas un signal envoyé à l’électorat qui, dans les faits, tient la majeure partie des communes de France ? Technicien, c’est-à-dire incapable de décider mais capable d’imaginer les usines à gaz les plus complexes, ne va-t-il pas réussir à embourber la transition écologique ? Servile, n’est-il pas déjà prêt à assumer son rôle de pion, laissant à Macron les splendeurs brumeuses d’une vision floue et s’occupant, au quotidien, à gérer le désastre en répétant mécaniquement «j’assume» à chaque idiotie de ses ministres ?
Macron est allé chercher un homme sans envergure sinon sans ambition, et surtout un représentant parfait de cette élite hors-sol qui assure en permanence que tout va bien, que tout est géré, que tout est contrôlé. Car enfin, en quoi ce déconfinement est-il une réussite sanitaire ? On voit surtout que l’État, après nous avoir brutalement confinés pour masquer son incurie, nous déconfine depuis quelques semaines d’une manière absurde, autorisant ici ce qu’il interdit là, considérant que ce qui était dangereux hier est bénin aujourd’hui, aux mêmes endroits, et continuant à pratiquer un «en même temps» inexplicable au gré de l’émotion des uns et de la passivité des autres. Le Parisien nous explique qu’il est «auréolé d’une gestion jugée réussie du déconfinement». Gné ? Jugée réussie par qui sinon par ceux qui nous ont expliqué, Macron, Salomon et Buzyn en tête, qu’ils avaient parfaitement géré la crise – qui n’est pas finie. Qu’on me prouve que Castex a fait autre chose que desserrer mécaniquement le collier en se délectant d’imaginer des règles absconses et injustes (les petits musées mais pas les églises, les TGV mais pas les métros, etc.), s’ébrouant avec joie à l’idée d’enchaîner cent quatorze réunions de concertation.
Macron place un technocrate et un bureaucrate sur un fauteuil qui ne signifie plus grand chose. Le Président est élu, ses électeurs lui donnent une chambre à sa botte, les institutions lui permettent de faire voter n’importe quelle loi, aucun ministre n’est jamais déjugé pour ses erreurs manifestes… À quoi sert, aujourd’hui, le Premier Ministre ? Quel discours porte-t-il quand Macron annonce tous les quinze jours qu’on va voir ce qu’on va voir (cela fait deux ans qu’on nous annonce imperturbablement qu’il va lancer l’acte-II-du-quinquennat) ? Quelle action a-t-il quand Sibeth parle plus que lui et que son gouvernement vit dans la terreur d’une énième révélation d’une forfaiture quelconque et dans la résignation d’une parole présidentielle venant contredire tout ce qui était en cours de négociation ? Macron est allé chercher un sous-président, puisque voilà désormais ce qu’est un Premier Ministre en France, et un sous-Édouard, puisque Macron ne supporte pas qu’un autre que lui paraisse être compétent, paraisse être aux commandes, paraisse gouverner, en un mot. Macron est allé chercher ce qu’il n’est pas, pour bien montrer que Castex n’est pas grand’ chose : un notable républicain, descendant de notable républicain (son grand-père était sénateur du Gers), un énarque qui a fait toute sa carrière dans l’administration et les ministères ; l’auteur de Révolution est allé chercher l’auteur de La Ligne de chemin de fer de Perpignan à Villefranche - Prélude de la ligne de Cerdagne (Les carnets du Train jaune ; tome 7), publié en 2017 aux éditions Talaia. Autrement dit, rien.
Louis XIV et Napoléon s’entouraient d’hommes de talent, Macron choisit sciemment Castex
Louis XIV et Napoléon s’entouraient d’hommes de talent, Macron choisit sciemment Castex. Le reste du gouvernement sera à l’avenant, matière à écrire quelques éditoriaux chez les matignologues diplômés. Ce remaniement n’est qu’un pas de plus dans l’affirmation que Macron, enivré de lui-même, se rêve un peu plus l’homme providentiel qui sauvera, seul, la France d’elle-même. Un pas de plus vers la démocrature.
Philippe Mesnard
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