Le président Donald Trump, souvent qualifié d'imprévisible ou incontrôlable, se tient pourtant à une ligne définie : danser au milieu du chaos qu'il a lui même créé. Malgré un bilan discutable, il reste l'idole qui fédère l'Amérique évangéliste.
Au fond, qui pourrait sérieusement imaginer à l’heure actuelle que, dans un an, l’actuel Président américain ne soit plus le locataire de la Maison Blanche ? La menace d’une bonne guerre pourrait bien suffire à définitivement resserrer les rangs malgré la procédure de destitution. C’est en tout cas une stratégie classique que d’agiter le foulard rouge du danger pour se présenter comme l’unique sauveur. Au vu du chaos actuellement orchestré par Trump lui-même, et avec une certains habitude de ses excentricités, on imagine difficilement une sortie de route de Donald Trump aux prochaines élections du mois de novembre. C’est un homme de spectacle, il ne peut envisager un tel scénario. Pourtant, démocratiquement parlant, c’est tout à fait possible, même si peu lui arrivent actuellement à la hauteur. Pourquoi ? Car il a ce talent extraordinaire depuis bientôt quatre ans de créer le danger ou de l’accélérer là où il se trouve déjà, en démultipliant les fronts d’instabilité, en annonçant tout et son contraire dans sa politique, et en déstabilisant du coup les partenaires comme l’ennemi, en vendant un retrait US des affaires moyen-orientales tout en s’y réengageant par tous les moyens et donc à terme en se présentant sans complexes comme celui qui sortira finalement le monde de cette ornière. Créer le virus pour ressurgir en marabout guérisseur. A l'image des meilleurs scénaristes d’Hollywood, il a l’habitude d’inventer des dangers dont il viendra finalement lui-même à bout.
Quoi que l’on dise des Américains, qui seraient davantage obsédés par leur politique interne, ils scrutent avec attention mais aussi avec effroi le glissement du monde vers le chaos total. Et comme ils croient en l’apocalypse rédemptrice, qu’ils se savent non seulement gendarme du monde par la grâce octroyée par la communauté internationale depuis 1945, mais surtout par la main invisible de Dieu, ses fervents défenseurs ne peuvent le rendre responsable de rien. Il y a donc fort à parier qu’ils rééliront leur seigneur de guerre persuadés de ses dons surhumains et de sa force herculéenne à sortir du propre bourbier dans lequel il les a conduit. Comme l’économie américaine se porte vraiment bien, signe de Dieu et de son vaillant soldat sur terre, le corps électoral qui a voté Trump en 2016 reconnaîtra probablement de nouveau son élu (Trump l’avait promis lors de sa campagne : « Je serai le meilleur Président pour l'emploi que Dieu ait jamais créé. »). A cet égard, la manœuvre récente de ce dernier pour obtenir le soutien absolu des mouvements évangélistes, qui avaient déjà largement voté pour lui lors du premier scrutin, n’y est pas pour rien.
Trump a déjà réussi un coup de génie, pour qu’aucun successeur dans l’immédiat ne puisse parvenir à éteindre le feu qu’il a déclenché.
Politiquement et stratégiquement, ce que le Président américain est en train de créer au Moyen-Orient, c’est l’objet de sa réélection. Alors qu’il avait annoncé un retrait militaire de la région, il vient d’annoncer récemment l’envoi de 3500 soldats supplémentaires sur place. Cela prouve à quel point les enjeux de la région seront décisifs à nouveau en matière d’élection américaine et que les Américains ne s’y trompent pas : face à la menace mondiale, de la Corée du Nord à l’Iran, en passant par l’Irak, la Chine ou le retour annoncé de Daech, il leur faut impérativement un « warrior » pour relever les défis qui s’annoncent nombreux. Nulle place pour un galop d’essai avec un futur président qui ne peut pas être rodé à affronter ce monde redessiné par Trump lui-même : affaissement du multilatéralisme, ostracisation et isolement de pays devenus depuis une menace supplémentaire, guerre économique et menaces de nouvelles guerres militaires unilatérales. Trump a déjà réussi un coup de génie : créer ses propres outils de gestion des affaires internationales, réinventer son propre monde, rendre imprévisibles ses propres réflexes d’équilibriste et génuflexions géopolitiques, pour qu’aucun successeur dans l’immédiat ne puisse parvenir à éteindre le feu qu’il a déclenché. Il serait donc bien trop dangereux de soutenir la procédure de destitution lancée par les démocrates, et même de trouver un autre candidat républicain pour lui tenir tête. En résumé : qui d’autre que Trump ? Personne.
Pourtant, en plus des nouveaux dangers, on ne peut pas dire que les succès diplomatiques soient réels depuis son arrivée à la Maison Blanche : la crise avec la Corée du Nord qui devait être résolue en deux trois mouvements ne l’a pas été, le Golfe est durablement divisé depuis son arrivée donc dangereux, l’Arabie Saoudite qui devait se moderniser s’est encore plus radicalisée avec Mohamed Ben Salmane, le dialogue avec les islamistes en Afghanistan n’a été qu’échec plongeant le pays dans une « talibanisation » et un contrôle presque absolu des fameux Taliban, le soutien américain aux Emiratis sur tous les terrains des Printemps Arabes est en train d’enterrer l’espoir d’une démocratisation de la région, la guerre économique avec la Chine qu’il a provoqué n’en est qu’à ses débuts, l’Irak que les Américains sont venus délivrer en 2003 est sur le point de basculer à nouveau dans la guerre comme jamais et de se « libaniser », et l’Iran qui était contenu par l’accord sur le nucléaire de 2015 semble désormais en roue libre. L’assassinat ciblé du général iranien, Khassem Souleimani, aussi dangereux fut-il, en fait un martyr plus à craindre mort que vivant : c’est surtout la première alerte d’un dangereux risque de déchaînement de violence dans la région. Le traumatisme systématique que provoque chez les Américains l’attaque d’une de leurs ambassades, comme ce fut le cas en 1979 à Téhéran et dont ils parlent encore ou à Bagdad fin 2020, est un motif de guerre pavlovien. Trump qui affirmait depuis sa résidence de vacances en Floride qu’il avait ordonné de tuer Souleimani parce que ce dernier était à l’origine de plusieurs fronts de guerre et un puissant soutien du terrorisme, est convaincu d’une chose : lui seul peut apporter la paix. L’image du grand Satan américain est pourtant renforcée de partout dans le monde et sur tous les continents, mais peu importe : il n’y a que les Américains qui puissent sauver le monde et ils s’en souviendront en novembre 2020, mais qui sauvera les Américains ? Et bien Papa Trump, avec l’aide de Dieu. Rappelons-nous de ses bons vœux sur Twitter en janvier 2017 qui pourraient être aussi ceux de cette année : « «Bonne année à tous, y compris mes nombreux ennemis et tous ceux qui ont essayé de me battre et qui ont échoué si misérablement qu’ils ne savent plus quoi faire. Amour!»
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