«Arrachez toutes les inscriptions en cyrillique !» A Vukovar, la commune croate vient d’interdire cet alphabet utilisé par la forte minorité serbe. La presse européenne se dit surprise par ce «retour des démons nationalistes». Michel Collon analyse.
Pour s’étonner, il faut être amnésique. C’est en effet l’Europe et ensuite les Etats-Unis qui excitèrent les nationalismes pour faire éclater cette Yougoslavie trop indépendante envers les multinationales et envers l’Otan.
La déstabilisation commença en 1981. La BND (CIA allemande) soutint secrètement la mise au pouvoir du leader croate d’extrême droite Franjo Tudjman. Celui-ci ne cessait d’attaquer la Yougoslavie multiethnique, refusant que Serbes et Croates vivent ensemble et prônant la création d’un Etat croate ethniquement «pur». Le ministre allemand des Affaires étrangères Klaus Kinkel organisa un réseau composé de descendants directs des oustachis (fascistes croates complices du nazisme et organisateurs d’un génocide antiserbe durant la Seconde Guerre mondiale). Il organisa les services secrets croates pour préparer la sécession. Des armes furent livrées secrètement bien avant la guerre.
Ignoraient-ils à qui ils avaient affaire ? Nullement, Tudjman était alors en prison pour excitation des haines racistes. L’homme se vantait : «Je suis heureux que ma femme ne soit ni serbe ni juive». Son ouvrage Déroutes de la Vérité historique (1981) classait les juifs comme «des monstres existentiels», «ne pouvant devenir comme la majorité à cause de leur caractère». Osant même : «Blâmer les seuls Allemands pour la Seconde Guerre mondiale est une falsification historique, car d’autres ont commis des crimes de guerre».
Tudjman mit en pratique son programme fasciste : refus de toute autonomie culturelle, déchéance de la citoyenneté de dix mille résidents serbes qui perdirent tous leurs droits civils, création des milices fascistes HDZ, aux chemises noires comme leurs prédécesseurs de 40- 45, collant des affiches sur les maisons serbes «Vous avez 48 heures pour déguerpir», escadrons de la mort assassinant des villageois serbes, réhabilitation de Mile Budak, numéro deux du régime fasciste croate, nomination d’anciens fonctionnaires fascistes à de hauts postes, expulsion des auteurs serbes des manuels scolaires, nettoyage sanglant de la région serbe de Krajina («la plus grande tragédie humanitaire de la guerre», selon l’envoyé spécial de l’UE Carl Bildt)
Bref, la surprise occidentale est une amnésie hypocrite. Les grandes puissances savaient bien ce qu’elles faisaient. Le 24 mai 1991, visitant Belgrade pour forcer la Yougoslavie à se soumettre au Nouvel Ordre occidental, James Baker, ministre US des Affaires étrangères déclarait : «Les Etats-Unis sont pour l’unité et la démocratie en Yougoslavie, mais s’ils devaient choisir, ils choisiraient la démocratie». «Démocrate» signifiant, dans leur jargon, «soumis aux USA», la menace de faire éclater le pays était claire.
D’autres racistes et fascistes furent soutenus par l’Ouest «démocratique» : Izetbegovic en Bosnie, Thaci au Kosovo. Dans le même but : répandre la haine, provoquer la guerre civile, détruire un grand pays «trop à gauche». Voilà pourquoi les médias occidentaux «ne comprennent pas» d’où vient ce racisme barbare.
Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.