Pour les néoconservateurs américains, «la Russie est l’ennemi à battre et à combattre»

La prétendue ingérence de la Russie dans les élections américaines n'est qu'un prétexte pour mener à bien la lutte contre Donald Trump et revenir à une politique américaine agressive, selon l'historien Bruno Drweski.

RT France : Quel est le but des nouvelles sanctions contre la Russie que le Senat américain a adopté le 14 juin en réaction à la supposée ingérence dans la présidentielle américaine ? Cela n'entre-t-il pas en opposition avec la rhétorique du président américain ?

Bruno Drweski (B. D.) : Il me semble que les sanctions en elles-mêmes n'entrent pas en opposition avec la rhétorique de Trump. Le fait qu’elles soient renforcées, en invoquant des prétextes, recouvre par contre évidemment un aspect  intérieur : il s’agit de contrer la politique de Trump. Il y a des problématiques internes aux Etats-Unis, problématiques auxquelles s’ajoute une volonté de poursuivre le conflit avec la Russie. Un conflit fort ancien qu'on prolonge ici en trouvant n’importe quel prétexte.

Personne de sérieux ne croit que la Russie ait pu s’ingérer dans le processus électoral américain

RT : Pourquoi  parlez vous de «prétexte» ? 

B.D : Je pense que personne de sérieux ne croit que la Russie ait pu s’ingérer dans le processus électoral américain. C’est tout simplement absurde. Si on regarde les choses avec une certaine objectivité, on comprend qu'il s'agit là d'un simple prétexte pour mener à bien la lutte contre Trump et reprendre en main la politique américaine, cette politique américaine agressive qui a été un peu déstabilisée par les récentes élections. La Russie est évidemment, du point de vue des néoconservateurs américains, l’ennemi à battre et à combattre sous n’importe quel prétexte. 

C’est aussi une question de rapports internes en Europe et en Allemagne, entre les partisans d’un rapprochement avec la Russie et ceux qui persistent à mener une politique de guerre froide.

RT France : Les dirigeants autrichiens et allemands se sont prononcés contre cette nouvelle vague des sanctions. Pensez-vous que les Européens peuvent influencer la législation américaine?

B. D. : Une partie importante des entrepreneurs européens commencent à trouver les sanctions contre la Russie, lancées à partir de la question ukrainienne, de plus en plus pesantes et ont vraiment envie de sortir de ce système pour des raisons économiques. Car la situation économique en Europe n’est pas brillante et, donc, la coopération avec la Russie forcément souhaitable. C’est aussi une question de rapports internes en Europe et en Allemagne, entre les partisans d’un rapprochement avec la Russie et ceux qui persistent à mener une politique de guerre froide.

Il y a effectivement un jeu au sein des élites allemandes et plus largement au sein des élites européennes

RT France : Les pays européens pourraient-ils parvenir à faire s'inverser la rhétorique américaine ? Ou entreront-ils en opposition frontale avec les Etats-Unis ?

B. D. : Je pense que cette opposition avec les Etats-Unis est facilitée par le fait que les élites européennes n'ont pas apprécié l’arrivée de Donald Trump au pouvoir. Il me semble que les entrepreneurs européens prêts à améliorer les rapports avec la Russie pour des raisons économiques cherchent à enfoncer un coin entre les Etats-Unis et l’Union européenne et à rapprocher les Européens (et particulièrement les Allemands) d’une coopération avec la Russie. Il y a, de fait, un jeu au sein des élites allemandes et plus largement au sein des élites européennes.

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