Les forces irakiennes, soutenues par les Etats-Unis, ont lancé une offensive contre Daesh à Mossoul il y a plus de six mois.
Bien que certains quartiers aient été repris aux terroristes, des milliers de civils sont encore piégés dans la ville. Selon les Nations unies, jusqu'à 400 000 personnes ont été déplacées depuis le début de l’opération de libération de Mossoul menée par les Etats-Unis.
RT : Nous voyons que beaucoup d'organisations humanitaires sont présentes sur le terrain à Mossoul. Cependant, les civils manquent encore d'aide médicale, et c’est très dur pour les médecins de venir à leur secours. Pensez-vous que la situation va s’améliorer prochainement ?
Mike Raddie (M. R.) : C'est difficile à dire. Je sais que les hôpitaux de la région ressentent une pression car leurs ressources s’épuisent. Les zones occupées par Daesh ont été pillées et ce que les combattants n'ont pas pu prendre avec eux a été détruit. Ils manquent de matériel médical. Je sais que certaines ONG ont réussi à faire don de machines à rayons X pour les salles d'opération mais d'autres choses manquent. Etant donné que l'hôpital, situé à près de 95 kilomètres au sud de Mossoul, dessert un vaste bassin de population, je pense que nous devons faire davantage sur le terrain pour aider les gens là-bas.
RT : Malgré de nombreuses informations selon lesquelles la situation humanitaire à Mossoul est grave, les combats pour la reprise de la ville n'ont pas baissé d’intensité. Ces souffrances civiles sont-elles justifiées ?
Pour le moment, les civils vont faire l'objet de pressions croissantes
M. R. : Non. C'est exactement le contraire de la façon dont l'armée arabe syrienne libère des villes de l’autre côté de la frontière. Les Etats-Unis et la coalition se sont appuyés presque exclusivement sur les attaques aériennes. Le nombre de morts civiles causées par des frappes aériennes de B-52 ou des frappes par missiles est horrible. Ce que l'Armée arabe syrienne a utilisé à Alep et à Homs, c’est l’approche «porte-à-porte». C'est la seule façon de faire face à la guerre urbaine. C'est la seule façon de vaincre Daesh sur le terrain. Sinon, le nombre de victimes civiles sera énorme. On ne peut vraiment rien dire, sachant que les forces occidentales dépendent beaucoup des attaques aériennes. Cela ne peut certainement pas fonctionner dans des endroits comme Mossoul, car c'est une ville à concentration de bâtiments élevée, avec de minuscules allées et de petites rues, mais avec beaucoup d'habitations. Nous avons déjà vu que jusqu'à un demi-million de personnes avaient fui la ville. Mais il y a encore des gens piégés là-bas. Tout comme à Alep, cela nécessitera plus que des raids aériens. Je pense que le modèle utilisé par l'armée arabe syrienne – une avancée méticuleuse, porte-à-porte, c'est ce qu'il faut maintenant à Mossoul. Cela ne se produit pas malheureusement. Je pense que, pour le moment, les civils vont faire l'objet de pressions croissantes, pas seulement en raison du manque de ressources et d'aide humanitaire, mais aussi à cause des frappes aériennes de la coalition.
RT : La morgue de Mosul a atteint sa pleine capacité. Est-ce le genre de dommages dits «collatéraux» à prévoir dans une situation comme celle-ci ?
M. R. : C'est comme cela qu'ils l’appellent, oui. Mais ils savent ce qu'ils font. La coalition sait qu'il y aura des victimes civiles. Ils savent qu'ils bombardent des zones où Daesh détient des prisonniers, les utilisant comme boucliers humains. C’est vraiment négligent et imprudent, sans parler du droit international. Ce que nous avons vu en Syrie, c'est que les personnes détenues en captivité dépendaient totalement de l'armée arabe syrienne qui les libérait en arrivant.
Les Etats-Unis n'ont jamais été un libérateur. Ils n'ont pas libéré un seul pays du Moyen-Orient
Ce n'est pas le cas actuellement dans des endroits comme Mossoul. Certains secteurs de la ville sont libérés. Mais Daesh n'y a pas encore été vaincu. C'est encore un bastion très important de Daesh. Ce que nous voyons également, c'est que Daesh fuit Mossoul, franchit la frontière syrienne et se dirige vers Raqqa et Deir ez-Zor, qui est en train de devenir la forteresse des terroristes en Syrie.
Ils savent qu'ils peuvent franchir la frontière facilement et dès qu'ils traversent la frontière, ils deviennent en effet alliés de l'Occident. C'est vraiment une situation étrange, où les forces de la coalition occidentales combattent Daesh quand ses combattants sont en Irak, mais une fois que ceux-ci ont traversé la frontière, ils ne sont plus considérés comme une cible, parce qu'ils sont des alliés dans l'opération de changement de régime contre le gouvernement syrien.
Les Etats-Unis n'ont jamais été un libérateur. Ils n'ont pas libéré un seul pays du Moyen-Orient. Je peux comprendre la peur des civils à Mossoul. Les attaques aériennes américaines, c'est un carnage aveugle et ils ne peuvent pas se défendre contre cela... Les attaques aériennes américaines et les attaques aériennes de la coalition deviennent vraiment contre-productives et je pense qu'elles alimentent le conflit. Si les gens sur le terrain peuvent voir ce que les Etats-Unis font, ils risquent de se radicaliser, se faire un esprit anti-américain, et peut-être s'inscrire à des organisations terroristes.