A l’occasion de la visite du secrétaire d'Etat américain, Rex Tillerson, à Moscou, qui a eu lieu après l’échec des membres du G7 à s’accorder sur l'adoption de nouvelles sanctions antirusses lors d’une réunion en Italie, RT a évoqué les relations russo-américaines avec Martin McCauley, historien et écrivain britannique.
RT : Rex Tillerson a appelé la Russie à renoncer à soutenir le gouvernement syrien et à coopérer avec les Etats-Unis et ses alliés. Washington vient-il de fixer un ultimatum à Moscou ?
Martin McCauley (M. M. C.) : Il est inutile de demander à la Russie de se désengager de Syrie et cesser de soutenir le régime syrien sous prétexte que c’est ce que nous, les Américains, voulons. Cela échouera à coup sûr. Il faut trouver des objectifs communs, un terrain d’entente. C’est très important, car il y a une tension considérable à cause de l'attaque chimique en Syrie. Quant à l’ambassadrice américaine à l’ONU, Nikki Haley, qui parle de nouvelles frappes... Ce genre de propos verse dans la provocation.
L’idée des sanctions remonte à la vision que des sanctions économiques imposées à votre adversaire peuvent changer son comportement et sa politique
RT : Pourquoi le Royaume-Uni et les Etats-Unis poussent-ils à de nouvelles sanctions contre la Russie, tandis que le G7 en rejette l'idée ? Est-il possible de tirer des conséquences sur l’influence de ce groupe ?
M. M. C. : Cela signifie que les Etats-Unis et le Royaume-Uni ne peuvent imposer leur volonté aux cinq autres membres du G7 parce que le problème est que les sanctions n’ont pas atteint leur but. L’idée des sanctions remonte à la vision que des sanctions économiques imposées à votre adversaire peuvent changer son comportement et sa politique. La politique de la Russie n’a pas changé à cause des sanctions, bien au contraire. Ils sont tout à fait déterminés à en surmonter de nouvelles.
Si vous examinez la situation agricole, l’agriculture russe se développe en partie à cause des sanctions. Par conséquent, Moscou prétend que les sanctions n’ont aucun effet négatif. Les décisions prises contre la Russie se révèlent être dans l’intérêt de la Russie. Si vous regardez l’Allemagne, il y avait 6 000 sociétés allemandes présentes en Russie avant les sanctions. Les entreprises allemandes ont perdu beaucoup d’argent, les italiennes aussi. La plupart des Européens souhaitent revenir à la situation qui prévalait avant les sanctions. Mais le Royaume-Uni et les Etats-Unis ne peuvent désormais plus rien leur dicter, et c’est important.
Les Etats-Unis n'ont pas de vision stratégique sur la Syrie. Ils créent leur politique en chemin, et quand ils rencontrent des difficultés, ils les contournent
RT: Pourquoi semble-t-il y avoir une certaine incohérence de la part des Etats-Unis concernant sa politique concernant la Syrie et la Russie ?
M. M. C. : La Russie a une vision stratégique en Syrie. Les Etats-Unis n'en ont pas encore, leur politique étrangère est élaborée à partir de zéro. Ils la créent en chemin, et quand ils rencontrent des difficultés, ils les contournent. Il s’agit d’une politique au jour le jour ; il n'y a pas de vision stratégique globale. Quelles mesures proposez-vous pour mettre fin à la guerre civile en Syrie ? A quoi ressemblera la Syrie d’après-guerre ? La Russie a proposé un projet de Constitution pour la Syrie post-conflit. Les Américains doivent élaborer quelque chose de semblable. Actuellement, il n’y a pas de consensus au sein de l’élite américaine.
On a l'impression qu’il y a trois généraux chapeautés par le général Herbert McMaster, qui impose sa volonté et possède une influence considérable. Et il semble soutenir une ligne politique très dure vis-à-vis de la Russie, en tentant de forcer Moscou et Damas à reculer et faire des concessions. Cela n’aboutira à rien. Il faut agir en respectant la Russie, en respectant le président syrien – car, après tout, il s'agit d'un président démocratiquement élu – et en essayant de trouver autant de terrains d’entente que possible. Demain, les Américains peuvent changer d’avis sur certaines choses et, en l’absence de stratégie, il sera très difficile de travailler avec eux sur l’avenir de la Syrie.
Lire aussi : Washington assouplit certaines sanctions antirusses, notamment contre le renseignement