RT France : Certains analystes affirment que Trump a gagné les débats même si c’est une bataille qui ne lui permettra pas de gagner la guerre. Pour vous, a-t-il effectivement gagné le deuxième tour du débat ?
Diana Johnstone (D. J.) : Au premier débat, comme quelqu’un l’a remarqué, Trump est arrivé comme un étudiant qui passe ses examens après avoir fait la fête toute la nuit et sans avoir ouvert un livre pendant le semestre. Il était mal préparé et totalement sur la défensive. Cette fois il a fait mieux, il ne s’est pas laissé faire comme avant, il a eu du répondant. Il a eu la présence d’esprit de faire remarquer que les rebelles soutenus par Clinton finissaient par être pires que les régimes contre lesquels ils combattent. Quant à la rhétorique sur la Syrie et la Russie, Clinton a l’avantage de propager la version officielle qui est familière au public, que le public «reconnaît» et qui semble donc vraisemblable. Trump va à l’encontre de cette version parfois dans le détail, notamment en souhaitant trouver un accord avec la Russie. Mais il n’arrive pas, et il ne peut probablement pas en si peu de temps exposer toute une version alternative du conflit au Moyen-Orient. Son discours est donc plutôt incohérent, en mélangeant des brins de vérité et de bon sens avec les mensonges officiels (par exemple sur la «ligne rouge» d’Obama ou sur l’Iran).
La bassesse de la campagne Clinton est pire que celle de ce petit dialogue typique du milieu du show business
RT France : Une vidéo est apparue où le candidat du Parti républicain Donald Trump tient des propos sexistes. Serait-ce un de ces coups dont il n'est pas possible de se relever ?
D. J. : Difficile de répondre. Bien sûr, on crie au scandale, et à chaque nouvelle sortie de piste on dit que Trump est fini. Il y a peut-être un effet cumulatif qui lui sera fatal. Mais on peut trouver louche que la presse publie ce bavardage vieux de 11 ans – cette même presse qui cachait scrupuleusement les adultères en série de John Kennedy. La bassesse de la campagne Clinton en profitant de cette petite tranche de vie entre «vrais hommes» est pire que celle de ce petit dialogue typique du milieu du show business. Et c’est un peu risqué pour les Clinton de focaliser leur campagne sur les incartades sexuelles. Des deux côtés, avec des différences de style, cette campagne brise tous les records de vulgarité et de coups bas.
C’est la première fois dans une élection présidentielle que tout l’establishment se sent menacé par un candidat qui n’est pas des leurs
RT France : Plusieurs républicains ont retiré leur soutien à Trump après le scandale, un coup fatal pour lui ?
D. J. : Je pense qu’ils cherchaient un prétexte. Car Trump a volé la nomination à un parti à bout de souffle. Il existe beaucoup de rancunes. Et il existe le désir de rester «dans le système» par rapport auquel Trump prend une distance radicale. En perdant l’appui du Parti Républicain, Trump risque de perdre les moniteurs aux bureaux de vote qui lui sont favorables. Tout est possible, car c’est la première fois dans une élection présidentielle que tout l’establishment se sent menacé par un candidat qui n’est pas des leurs.
Il sera difficile de surmonter les rapports de force favorables à Hillary Clinton
RT France : Wikileaks a publié une nouvelle série de mails de Clinton. Est-ce que ces révélations ont influencé l’opinion publique ?
D. J. : A mon avis, Wikileaks a trop tardé. Certaines révélations auraient mieux circulé pendant les primaires, reprises par des supporters de Sanders. Depuis, la campagne Clinton a lancé une frappe préventive en accusant la Russie d’être derrière toutes ces révélations. La réponse de Clinton à tout sera – elle l’est déjà – que c’est la faute de Poutine qui veut faire élire Trump. Mieux vaut tard que jamais, mais il sera difficile de surmonter les rapports de force favorables à Hillary Clinton.