Tiraillés entre le Pentagone et la Maison Blanche, les Etats-Unis font du surplace en Syrie

Washington n’a pas de réelle influence sur les belligérants en Syrie et sa marge de manœuvre est limitée par le Pentagone - le journaliste Gareth Porter fait la lumière sur cette lutte secrète dans les hautes sphères politiques américaines.

«La réalité, c'est que personne dans l’administration Obama ne croit vraiment que quoi que ce soit de significatif et susceptible de changer la donne sur le terrain puisse être fait», assure Gareth Porter, se référant à l’incapacité de la Maison Blanche d'obtenir le soutien du Pentagone et de persuader les militaires américains de «poursuivre la ligne diplomatique que le président avait approuvé le 9 septembre».

L'échec final du cessez-le-feu était également une manifestation de la lutte interne au sein de l’élite américaine

Au lieu de suivre Barack Obama au regard de l’accord du cessez-le-feu syrien, le Pentagone «résiste de façon très très agressive à cet accord», en particulier à la mise en place du Centre d'application conjointe, dans le cadre duquel les spécialistes russes et américains étaient censés travailler côte à côte en vue de coordonner la coopération militaire et échanger des renseignements.

Selon Gareth Porter, l'échec final du cessez-le-feu provoqué par l'attaque des forces aériennes américaines sur les positions de l’armée syrienne à Deir ez-Zor, qui a fait plus de 60 victimes parmi les militaires, était également une manifestation de la lutte interne au sein de l’élite américaine.

«L’administration a en partie fait marche arrière et là, elle a été confrontée au refus des militaires de mettre en place la politique américaine, en menant cette frappe aérienne à Deir ez-Zor», indique le journaliste, en ajoutant que Washington continue de prétendre pouvoir faire pression sur les rebelles «modérés» en Syrie et contrôler la situation, mais en réalité, il est perdu.

L'administration essaie de se poser comme une puissance majeure, en étant en même temps incapable de faire preuve d’unité au sein de sa propre administration

«Les Etats-Unis n'ont pas de réel levier sur aucun des belligérants de cette guerre, et je pense qu'il est clair que l'administration fait du surplace, en essayant de se poser comme une puissance majeure, pour ne pas dire une puissance clé de la région, en étant en même temps réellement incapable de faire preuve d’unité au sein de sa propre administration», note-t-il.

Vu que la stratégie actuelle en Syrie s’est révélée inefficace, Washington n’a rien de plus à offrir, car il n’a aucun plan alternatif, estime Gareth Porter.

 «Il n'y a jamais eu de plan B. John Kerry a essayé il y a quelques mois de manipuler le concept d’un plan B en vue d'obtenir un certain levier diplomatique, mais cela n'a pas été une franche réussite», indique-t-il, en expliquant que l’administration Obama «n'a pas d'autre option que de retourner aux fondamentaux» et essayer quelque chose de totalement différent par rapport à ses alliés régionaux et leur dire «qu'ils ne peuvent pas continuer comme ça».

Toutefois, il est peu probable que Barack Obama le fasse, car il devra faire face à une opposition déterminée de l’élite militaire, qu'il ne sera pas en mesure de surmonter.

Le secrétaire d’Etat John Kerry, celui qui négociait l'accord de cessez-le-feu, était connu auparavant comme un partisan ardent d’une solution militaire en Syrie

«Je ne vois vraiment aucune raison réaliste qui fasse espérer que le président Obama soit capable de prendre une direction radicalement différente en contradiction des intérêts fondamentaux de certaines parties de la bureaucratie de la sécurité nationale américaine.»

De plus, selon Gareth Porter, il existe une apparente division au sein de l’administration-même, si l'on se souvient que le secrétaire d’Etat John Kerry, celui qui négociait l'accord de cessez-le-feu, était auparavant connu comme un partisan ardent d’une solution militaire en Syrie.

 «En 2013, lorsqu'il est devenu secrétaire d’Etat, John Kerry appelait de ses vœux à utiliser directement les forces américaines contre le régime de Bachar el-Assad, ou au moins menacer d'utiliser la force», explique Gareth Porter, en ajoutant qu'à un moment le président américain envisageait clairement de choisir cette option.

«Mais, je ne pense pas que le président Obama ait jamais eu envie de le faire.»

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