RT France : Que signifient les résultats du référendum en Hongrie pour le pays et pour le reste de l’UE ?
Pascal le Pautremat (P. P.) : Il y a donc une majorité de personnes qui a exprimé son refus de suivre les directives européennes. Mais, en même temps, d’après les informations dont nous disposons, cela ne correspond qu’à 45% de participation de la population. On s'aperçoit qu'en Hongrie, pays qui est quasiment en «première ligne» pour la réception des populations démunies et aux abois ayant besoin de venir en Europe, il y a une forte pression. Cette réticence d'une partie de la population hongroise n'est pas unique. Elle peut être observée dans toute l’Europe orientale. Même en Italie, nombreuses sont les préoccupations face à l’arrivée massive de ces populations en grand désarroi. Cela permet de dresser quelques constats.
Tout d'abord, au-delà de la dimension humanitaire, quant à l'accueil de ces dizaines de milliers de civils, il est important de souligner que les solutions apportées ne sont inscrites que dans le court terme, pour répondre à l'urgence tragique de la situation. Il n’y a rien de solide et de fiable à offrir à moyen et long termes. Dans beaucoup de pays européens se créent des associations pour aider ces réfugiés qui, du point de vue humanitaire ne doivent pas être livrés à eux-mêmes. Mais nous percevons bien que l'Europe n'est pas en mesure d'absorber économiquement une telle masse de populations. Dire l'inverse relève de la démagogie et de l'obscurantisme dogmatique. Il suffit pour cela de voir combien les populations actives en Europe sont meurtries par un chômage endémique, sont dans un profond désarroi, sur fond de révolution économique. Une révolution économique d'ailleurs très inquiétante, qui se traduit par une robotisation croissante et une déshumanisation des marchés de l'emploi. Contrairement à ce que disent certaines personnalités politiques, on imagine très mal comment on pourrait absorber ce flux de population en provenance de pays en guerre, d'espaces continentaux minées par la désertisation ou le vide économique et socio-culturel ; populations qui, insistons bien sur ce point, doit naturellement être aidées. Mais, in fine, la Communauté internationale doit s'impliquer fortement dans les politiques de pacification et de normalisation de zones interétatiques instables, pour qu'à terme, nombre des réfugiés économiques, politiques et religieux puissent rentrer chez eux.
Les accords de Schengen sont de plus en plus décrédibilisés, parce que d’un point de vue pragmatique cela ne correspond plus du tout aux exigences sécuritaires actuelles
RT France : Selon les quotas de l’UE, la Hongrie devrait prendre en charge moins de 1 300 réfugiés. Pourquoi le gouvernement ne veut-il pas partager cette responsabilité dans la crise des réfugiés ?
P. P. : La Hongrie un pays qui est, politiquement, en train de durcir le ton, un ton nationaliste extrêmement fort et parfois presque agressif. C’est la logique selon laquelle il n’est pas possible d’accueillir toute la misère du monde. Il y a une volonté de se démarquer du discours ambiant de Bruxelles. La Hongrie réaffirme un patriotisme dur et tente de reprendre le contrôle des flux à la fois économiques, financiers, humains au niveau de ses frontières. Les accords de Schengen sont de plus en plus décrédibilisés, parce que d’un point de vue pragmatique, on s’aperçoit que cela ne correspond plus du tout aux exigences sécuritaires actuelles. Nombre de pays aimeraient mettre tout cela à plat, y compris même la France. Bien des élus ou des politiques demandent de plus en plus que tout soit renégocié. Mais en Europe centrale et orientale, les classes politiques sont de plus en plus sur des lignes dures. Comme la population locale est économiquement en grande difficulté, vous avez des partis politiques un peu rigoristes, même parfois d’extrême droite, qui refusent qu’on continue de gérer de façon irresponsable les flux de populations venant des pays en guerre et en crise.
Si ce référendum était proposé dans d’autres pays européens, on aurait des pourcentages très forts
RT France : Pensez-vous que d’autres pays puissent suivre l’exemple de la Hongrie en matière de référendum ?
P. P. : C’est la grande inconnue. Au niveau des instances européennes, il y a une volonté de minimiser la contestation. Cela s'est vu à bien des égards depuis les drames en Allemagne à Noël dernier. Il y a eu une part de déni d’un certain nombre de responsables allemands quand à la situation tumultueuse, des problèmes d’insécurité, de viols enregistrés. Tout cela a été gommé ou minimisé pour ne pas monter la population contre les étrangers. Si ce référendum était proposé dans d’autres pays européens, nous pourrions sans doute nous attendre à de fortes proportions de rejet des directives de Bruxelles. Pour en être certain, il faudrait faire une étude de terrain, voir ce que les gens pensent aux Pays-Bas, en France, etc. Mais on peut déjà constater que, localement, dans tous les pays et toutes les régions où les pourcentages de réfugiés sont importants, les populations sont majoritairement contre la poursuite de l'arrivée de réfugiés.
Ceux qui étaient dans une logique de gigantisme se rendent compte qu’aujourd’hui cette formule ne tient pas
RT France : Le ministre des Affaires étrangères d’Autriche a qualifié le système de quotas de «pas réaliste». Il a également indiqué que d’autres désaccords pouvaient mettre en danger la cohésion de l’UE. Comment va-t-elle faire face à la crise des réfugiés sans cette solidarité au sein de l’union ?
P. P. :C’est le vrai problème et ça montre aussi les limites de l’UE. On bute sur le fait qu’on n’a pas de véritable cohésion européenne. Cela montre aussi plusieurs choses ; qu’on a eu pour des raisons dogmatiques des démarches qui nous faisaient croire qu’on pouvait avoir une Europe à 28 qui soit fiable, crédible et solide. Cela se voit au niveau des efforts répétés pour concrétiser pleinement la politique européenne de défense. Or, les pays membres ont des vues divergentes sur sa nature. Certains préfèrent s'en remettre à l'OTAN. D'autres, comme la France, l'Allemagne et l'Italie, optent plutôt pour une vraie politique de défense européenne, conjointe à l'OTAN.
Pour ce qui est de la question des réfugiés, il n’y a pas, là non plus, d'approche harmonieuse. Il y a des avis divergents, mais on a l’impression d’être dans le brouhaha permanent. En plus, la classe politique européenne est décrédibilisée par les affaires Barroso et les scandales offshore. L’UE traverse une véritable crise de crédibilité et de fiabilité. Je pense que dans les années à venir nous allons assister à des changements, des réformes, des bouleversements majeurs tant les dysfonctionnements de l'UE sont devenus criants et même insupportables à bien des égards pour nombre de populations de ses pays membres. Ceux qui étaient dans une logique de gigantisme de l'UE se rendent compte aujourd’hui que cette formule ne tient pas, parce que cela a complètement paralysé son bon fonctionnement.
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