L'attaque aérienne du samedi dernier a été suivie d'un échange amer entre les Etats-Unis et de la Russie au Conseil de sécurité des Nations unies au soir du même jour.
«C‘est très suspect que les Etats-Unis aient choisi de mener cette attaque aérienne à ce moment particulier», a déclaré l’ambassadeur de la Russie à l’ONU, Vitali Tchourkine, en ajoutant que l’attaque responsable de la mort de nombreux soldats syriens ne ressemblait pas à une erreur commise de bonne foi.
L’ambassadrice américaine Samantha Power a exprimé un «regret» concernant l’attaque, avant de reprendre sa critique de la tentative «simplement hypocrite et cynique» de la Russie de forcer Washington à s’expliquer lors d'une réunion urgente du Conseil de sécurité de l’ONU.
Les Etats-Unis ne veulent pas se mettre à genoux devant la Russie et demander pardon
Selon Joshua Landis du Center for Middle Eastern Studies à l’Université d’Oklahoma, les Etats-Unis «sont très mal à l'aise dans cette nouvelle relation avec la Russie et [dans le contexte] du cessez-le-feu».
«Comme nous l'avons entendu, le ministère de la Défense est très mal à l'aise avec cela. Et les Etats-Unis ont pris une claque sur chacune des deux joues - non seulement ils ont bombardé Deir ez-Zor à tort, en tuant un grand nombre de soldats syriens, mais [en plus] hier ils ont été chassés d'une ville syrienne dans le nord du [pays]», a-t-il déclaré.
Landis a fait référence à un incident lors duquel un petit groupe de forces spéciales américaines aurait fui la ville syrienne d'Al-Rai, près de la frontière turque après avoir été menacés par des combattants rebelles.
Des membres de l'Armée syrienne libre, qui est considérée comme un allié des Etats-Unis, ont repoussé les soldats américains, les qualifiant d’«infidèles» et d’«envahisseurs croisés».
«Cela a été une scène très embarrassante pour les Etats-Unis, parce que ces milices modérées sont censées être accueillantes avec les Etats-Unis», a ajouté Landis.
En commentant l’allocution de Samantha Power au Conseil de sécurité, il a lancé : «Les Etats-Unis ne veulent pas se mettre à genoux devant la Russie et demander pardon.»
«Les Etats-Unis ont une longue histoire de rivalité avec la Russie, que ce soit en Ukraine ou en Syrie. Je suis sûr, cependant, que si les rôles étaient inversés, et si les alliés américains avaient été bombardés par la Russie, l'ambassadrice Power aurait fait autant de bruit qu’elle aurait pu. Voilà en quoi consiste son travail. Et la Russie aurait dû trouver le moyen d'enfiler un fil dans une aiguille. Il y a assez de démagogie de tous les côtés ici. Et les Etats-Unis en sont clairement coupables. Ils essayent dans cette situation de détourner les critiques vers la Russie, parce qu’elle est l'alliée de Bachar el-Assad, un ennemi des Etats-Unis», a déclaré Landis à RT.
Samantha Power devrait être licenciée pour ce qu'elle a fait
«Pour qui travaille Samantha Power ?»
William Jones, chef du bureau de Washington du magazine Executive Intelligence Review, a critiqué l'ambassadrice américaine auprès de l'ONU pour «non seulement mettre la pagaille dans toute cette affaire», mais aussi pour refuser même de parler.
«Je me pose la question : pour qui travaille Samantha Power ? Est-ce le gouvernement des Etats-Unis ? Kerry et Lavrov ont apparemment monté cette affaire, également avec le soutien de la Maison Blanche - c'est la politique du gouvernement des Etats-Unis. Ce qu'elle doit faire en tant que représentante du gouvernement des Etats-Unis est d'essayer de suivre cette politique», a-t-il avancé.
Jones a déclaré qu'il soupçonnait que le secrétaire Kerry puisse être «extrêmement bouleversé par toute cette rencontre».
«Ce n’est pas la façon dont il mène sa politique, et ce n’est pas une politique qui est dans l'intérêt des Etats-Unis. Je pense qu'elle devrait être licenciée pour ce qu'elle a fait», a-t-il ajouté.
«Une fuite d'informations vers les terroristes avant les frappes aériennes ne peut être exclue»
Il est probable que des informations concernant les frappes aériennes américaines contre des positions de l'armée syrienne ont été divulguées aux terroristes avant le raid, afin qu'ils puissent débuter leur offensive contre les forces gouvernementales», estime Gregory R. Copley, rédacteur en chef de la revue Defense and Foreign Affairs.
«Est-ce une coïncidence que les combattants de Daesh étaient immédiatement prêts à lancer une offensive, une fois les forces syriennes touchées par les frappes aériennes ?», s'interroge Copley.
Ce que nous voyons c'est que les Etats-Unis entrent dans ces zones avec des informations de ciblage très pauvres
«Cela pourrait indiquer qu'il y a eu une fuite d'une partie des ciblages américains contre les forces syriennes bénéficiant à Daesh ou d'autres forces djihadistes qui devaient leur permettre de prendre l’avantage d’une frappe soi-disant "erronée" de l'armée de l'air des Etats-Unis».
Une autre explication suggérée par le rédacteur en chef de Defense and Foreign Affairs est que Barack Obama voulait personnellement participer davantage à la [situation en] Syrie avant de quitter ses fonctions.
«Le président sortant, Barack Obama, voulait vraiment impliquer les Etats-Unis dans des opérations militaires directes en Syrie», a déclaré Copley. «Sans aucun doute cela lui permettrait d’obtenir un certain degré de soutien en retour de la part de la Turquie, de l'Arabie Saoudite et du Qatar.»
«C’est sans doute susceptible de permettre aux Etats-Unis d'intensifier sa participation [au conflit] parce que c'est ce que je pense qu'a cherché à faire le président Obama, pour élargir ce conflit jusqu’au président Assad plutôt que [de le mener] contre Daesh».
Si les frappes n'étaient pas délibérées, alors les Etats-Unis sont à blâmer pour un «mauvais ciblage» de leurs forces de renseignement.
«Ce que nous voyons c'est que les Etats-Unis entrent dans ces zones avec des informations de ciblage très pauvres. Ils commettent beaucoup d'erreurs», a dit Copley, notant qu'une situation similaire se déroule dans les combats que mène le contingent américain en Irak, où les forces américaines sont «totalement désorganisées».
L'hostilité américaine envers le président Assad demeure inchangée
Les Etats-Unis pourraient dire que les frappes étaient «involontaires», mais en même temps, ils ont une position politique en Syrie qui est en désaccord avec le gouvernement syrien, ainsi qu'avec la Russie, a noté Abayomi Azikiwe, le rédacteur en chef du quotidien électronique Pan-African News Wire.
«Ils n’ont pas modifié leur position hostile envers le gouvernement du président Bachar el-Assad à Damas», a-t-il exposé à RT.
Quant à la signification de cet incident pour l'avenir de l'accord conclu entre la Russie et les Etats-Unis récemment à Genève, le journaliste a déclaré :
«Il y a eu des rapports ces deux derniers jours qui ont insinué qu’il y avait eu des centaines de violations de l'accord [de Genève] par l'opposition armée à l'intérieur du pays. Cela ne contribue pas à l'ensemble du processus de règlement politique à long terme dans le pays.»
Cette situation est problématique pour les Etats-Unis
Ce qui est intéressant, a poursuivi l'analyste, c'est que le groupe syrien d’opposition armée le Front Fatah al-Sham, anciennement connu sous le nom du Front Al-Nosra, a rejeté cet accord, en prétendant qu'il donnait trop de pouvoir au gouvernement syrien.
«Cette situation est problématique pour les Etats-Unis. Si l'accord est en vigueur, il élimine leur principal impératif de politique étrangère vis-à-vis de la Syrie, qui est le départ du gouvernement légitime à l'intérieur du pays», a-t-il conclu.