L'ancien directeur adjoint de la CIA Michael Morell a proposé aux Etats-Unis de procéder à une escalade du conflit en Syrie en ciblant les alliés du président Bachar el-Assad. Il a ajouté que tuer les Russes devrait être fait secrètement, mais de telle manière que le Kremlin comprenne le message.
Morell soutient la candidature de Hillary Clinton à la présidence des Etats-Unis et est connu pour ses sévères critiques à l’égard de Donald Trump.
RT : La Russie et l'Iran aident le gouvernement syrien à combattre les terroristes. Qu’est-ce que les Etats-Unis gagneraient-ils à tuer des Russes et des Iraniens là-bas ?
Annie Machon (A. M.) : Je pense que cela menacerait la paix dans le monde. Il me semble que c’est une sorte de demande d'emploi de la part de Morell, affichant qu’il aimerait bien occuper un haut poste dans n’importe quelle administration Clinton, si elle est élue. Il dit ce que, selon lui, elle aimerait entendre au sujet de la manière avec laquelle l'Amérique doit faire face à la situation au Moyen-Orient. En effet, si cela reflète son propre point de vue à elle, nous nous retrouvons dans une situation absurde, où, effectivement, une victoire de Donald Trump aux élections présidentielles seraient une option plus sûre pour la paix dans le monde.
RT : A votre avis, Hillary Clinton prend-elle un risque en se rangeant à côté d’un homme qui propose une démarche aussi radicale en politique étrangère ?
A. M.: Je pense que c’est une réflexion générale de l’establishment américain. Depuis la présidence de George Bush il y a une liste de pays dans lesquels l’Amérique a tenté d’opérer un changement de régime. Il a appelé les pays de cette liste «l’axe du mal» et la liste comprenait la Libye, la Syrie, l’Iran, l’Iraq et la Corée du Nord. Maintenant la Corée du Nord est sous le patronage de la Chine, donc c’est relativement calme. En plus, elle a un potentiel nucléaire.
Le coup d'Etat en Ukraine soutenu par les Etats-Unis et l'Union européenne était une immense provocation
En fait, en 2008, l'Amérique était sur le point de commencer une guerre contre l'Iran. La seule raison pour laquelle son élan belliciste a été arrêté – et c’est quelque chose que Bush a reconnu dans ses notes – c’est à cause de la divulgation du rapport du renseignement national de 2008, une évaluation combinée de 16 agences du renseignement américain – sur le potentiel militaire nucléaire iranien et l’évolution de ce potentiel. Leur estimation d’alors – et désormais elle est reconfirmée tous les ans – est que l'Iran a renoncé à la tentative de développer tout potentiel nucléaire en 2003, et ne représente donc pas de menace pour les intérêts occidentaux. Telle est l’unique raison pour laquelle l'Iran est toujours debout. Et nous avons vu tout ce désordre dans tous les autres pays [de la région].
RT : A quel point le bilan de la politique étrangère de Clinton est-il cohérent ?
A. M.: Je pense que, fondamentalement, il est compatible avec cette approche belliciste que les néocons de l'establishment américain ont adopté contre de nombreux pays du Moyen-Orient [et qui consiste à] y préserver leurs intérêts en soutenant certains de leurs proches alliés comme l'Arabie saoudite et d’autres dictatures à travers le Moyen-Orient.
Mais il est aussi cohérent en ce qui concerne les tentatives de provoquer une réaction de la Russie. Le coup d'Etat en Ukraine soutenu par les Etats-Unis et l'Union européenne était une immense provocation. La seule raison pour laquelle la situation n’a pas dégénéré en guerre, c’est que la Russie a réussi à faire preuve d’une grande retenue dans ce domaine. [Aussi bien que] face à la provocation des grands exercices de l'OTAN dans les pays baltes et en Pologne, ainsi que tout le reste.
Hillary Clinton représente l'establishment américain, qui est très attaché à l’idée d’un monde unipolaire
R. T. : Hillary Clinton et ses partisans affirment que Donald Trump rend un service à la Russie. Le slogan de Trump est «Faisons l'Amérique grande à nouveau». Pourquoi sa candidature serait-elle perçue comme quelque chose de bénéfique pour le Kremlin ?
A. M.: Je pense surtout que c’est parce qu'il a dit qu'il réduirait la pression exercée sur la Russie. Cela rentre en opposition avec ce que Hillary Clinton a affirmé : il faut continuer à exercer une pression sur la Russie. Elle représente l'establishment américain, qui est très attaché à l’idée d’un monde unipolaire.
Maintenant ils estiment que, avec la résurgence de la Russie, ce monopole du pouvoir que l'Amérique a détenu depuis la fin de la Guerre froide est menacé. Donald Trump lui-même a dit : «Nous ne devons pas penser comme ça. Nous pouvons nous concentrer sur la reconstruction de notre propre pays et laisser les autres pays continuer de faire ce qu'ils veulent faire». Je pense que c'est un commentaire inhabituellement sain d'esprit de la part du candidat à la présidence.