Le procès portant sur l’attentat du 11 septembre 2001 n'a pas encore commencé dans le centre de détention de Guantanamo Bay. Il implique plusieurs détenus contre lesquelles pèsent suffisamment de soupçons, selon le gouvernement, pour être accusés. Toutefois, les procédures judiciaires sont bloquées par l’insuffisance des preuves.
L'accusation a soumis à l’examen du juge de première instance près de la moitié des preuves, mais ce dernier les a rapidement renvoyées, qualifiant la quasi-totalité de ces preuves d’«inadéquates» et demandant aux procureurs d’en corriger les erreurs. Ce sont des preuves qu’il reste à présenter aux avocats des accusés, encore totalement maintenus dans l'ignorance.
Se pose ensuite la question de preuves spécifiques non renvoyées qui font référence à une prison secrète de la CIA où la plupart des accusés auraient été torturés. Les avocats ont annoncé que les prisons secrètes qu’ils croyaient être conservées en tant que scène de crime avaient été détruites à leur insu.
Alka Pradhan, conseiller en droits de l'Homme du détenu de Guantanamo Ammar al Baluchi, explique à RT ce que signifie la perte d'accès à cette prison secrète.
Ce n’est rien d’autre qu'une partie de la couverture mise en place par le gouvernement des Etats-Unis pour cacher les preuves d’existence de leur programme de torture systématique et parrainé par l'État
RT : Vos clients ainsi qu’un grand nombre d’autres accusés ont été torturés dans cette prison secrète. Vous pensiez qu’il s’agissait d’une scène de crime conservée pour des raisons judiciaires. Il s’agit donc d’une destruction de preuves ?
Alka Pradhan (A. P.) : C'est tout à fait juste. Ce n’est rien d’autre qu'une partie de la couverture mise en place par le gouvernement des Etats-Unis pour cacher les preuves de l’existence de leur programme de torture systématique et parrainé par l'Etat. Mon client Ammar al Baluchi a été brutalement torturé par la CIA, tout comme les autres détenus. Il a subi une blessure traumatique au cerveau alors qu’il était enfermé par la CIA. Et voilà que nous découvrons près de deux ans après que le juge a autorisé la destruction du site, qu’il avait effectivement été détruit. Nous avions réclamé l’accès à ce site en tant que scène de crime pour recueillir des éléments de preuve essentiels dans cette affaire. Les Etats-Unis tentent d'exécuter mon client et essayent de présenter des preuves contre lui, des preuves dont une partie est impossible à réfuter maintenant. Et c’est une énorme perte.
Nous savons que la torture à l'eau a été utilisée contre un grand nombre de détenus
RT : Qu'est-ce que vous auriez pu apprendre si vous aviez pu accéder à ce site ?
A. P. : Il y a des personnes qui inspectent les sites de torture ou les prisons où la torture aurait pu avoir lieu, et ils sont généralement accompagnés d’experts en criminalité. Les choses qui semblent abstraites comme l'usure, les déchirures sur les installations, l’emplacement des salles et des objets dans ces salles, l’emplacement de la salle de contrôle et des haut-parleurs... Nous savons que la plupart des détenus ont été torturés avec de la musique [jouée très] forte, ou avec des robinets, des choses comme ça. Nous savons que la torture à l'eau a été utilisée contre un grand nombre de détenus, y compris mon client. Des choses comme cela auraient été importantes pour être en mesure de les voir et les examiner dans l’ensemble des preuves rassemblées que nous allons utiliser, qui seront présentées pendant le procès et qui permettront une réduction de peine si ces hommes sont reconnus coupables un jour.
Nous avions affirmé dès le départ que nous avions besoin d'accès à ce site
RT : En 2014 vous avez commencé à réclamer l'accès à ce site en pensant qu'il était sous ordonnance conservatoire. L'accusation a rencontré séparément le juge du procès et ils ont convenu que ce lieu serait détruit. Qu’avez-vous obtenu en compensation pour être en mesure de voir réellement cette prison secrète de la CIA ?
A. P. : Le gouvernement nous avait dit qu'au lieu de nous donner accès à la prison secrète, ils nous donneraient des photographies et des diagrammes qui sont encore classés, que nous avons, que nous avons reçu, et que nous considérons comme parfaitement insuffisants pour être substitués à une réelle visite de la salle de torture. Mais nous avions affirmé dès le départ que nous avions besoin d'accès à ce site et nous avons cru tout ce temps – jusqu'en février – que cette scène de crime avait été conservée.