Raphaël Halet de LuxLeaks : «Je participais contre mon gré à un système d’évasion fiscale»

L'affaire LuxLeaks a mis un «coup d’arrêt» aux opérations d'évasion fiscale et elles sont désormais plus difficile à réaliser même si le combat n'est pas fini. Raphaël Halet, deuxième lanceur d’alerte inculpé dans le procès LuxLeaks, l'explique à RT.

RT : De quoi vous a-t-on accusé officiellement ?

Raphaël Halet : J’ai révélé que certaines grosses multinationales passaient par le Luxembourg pour faire de l’évasion fiscale. Il s'agissait d'IKEA, Amazon, Apple, Coca cola etc., la plupart des grosses multinationales. Le but était de s’installer au Luxembourg pour payer le moins d’impôts possible et pas pour développer un savoir-faire, créer de la valeur ajoutée, des emplois. Le but était de se servir du Luxembourg, de ses règles fiscales, pour payer le moins d’impôts possible. C’est contraire à l’éthique et à la morale. 

L’égalité c’est la même chose pour tout le monde, quel que soit son statut, quelle que soit sa richesse

RT : Quelles ont été les conséquences de vos révélations ?

R. H. : Les conséquences, c’est que je suis aujourd’hui licencié, j’ai dû passer énormément de temps à me défendre dans l’anonymat. On me l’a imposé. L’autre conséquence c’est que financièrement j’ai dû payer tous mes avocats moi-même, j’ai dû vendre ma voiture. C’est pour ça qu’aujourd’hui je lance un appel à la solidarité.

Je participais contre mon gré à un système d’évasion fiscale

RT : Qu’est-ce qui vous a poussé à accomplir votre mission ? 

R. H. : Ce qui m’a poussé c’est que je participais contre mon gré à un système d’évasion fiscale et ce n’est pas acceptable, on ne peut pas faire en sorte de payer le moins d’impôts possible, tout en profitant des hôpitaux, des écoles, des routes etc. C’est contraire à la justice, à l’égalité. En France nous avons une devise «Liberté, égalité, fraternité». L’égalité c’est la même chose pour tout le monde, quel que soit son statut, quelle que soit sa richesse.

RT : Qu’est-ce que cela a pu changer ?

R. H. : Cela change beaucoup de choses, le fait que le public était déjà informé que certaines entreprises font tout pour ne pas payer d’impôts, tout en profitant des services publics. Maintenant les accords fiscaux doivent être échangés automatiquement entre les pays, on ne peut plus faire un accord fiscal comme ça, avec un seul pays, il faut en informer les autres. Cela change que maintenant les associations et les experts savent comment les multinationales ont procédé pour ne pas payer d’impôts. On peut donc adopter des lois, les directives européennes, on peut étudier en Russie, en Amérique et ailleurs comment les multinationales ont fait pour modifier les lois et faire en sorte que ça change un petit peu. Et c’est déjà en place.

Le combat qu’on mène maintenant va être long, il va être difficile, il ne se terminera sans doute jamais

RT : Pourquoi les schémas d'évasion fiscale sont-ils souvent pratiqués dans l'Europe moderne ?

R. H. : Oui, c’est encore possible. Malheureusement, ceux qui cherchent à payer le moins d’impôts possible trouvent toujours des astuces pour le faire, mais en tout cas on leur a mis un coup d’arrêt, on a mis le doigt sur quelque chose de mondial et c’est un peu plus difficile à faire maintenant.

RT : Que pensez-vous de la décision du tribunal ?

R. H. : Ma première réaction c’est d’être satisfait. On a gagné une bataille, c’est écrit noir sur blanc. Je suis reconnu comme lanceur d’alerte qui a agi dans l’intérêt général et pas dans l’intérêt personnel. Les révélations que j’ai faites ont servi à avoir plus de transparence et d’équité fiscale, de justice fiscale. De ce côté-là je suis très satisfait. On a gagné une bataille, mais on n’a pas encore gagné la guerre. Mais nous avions demandé la relaxe et avons finalement eu une peine avec sursis et une petite amende. On est passé à la deuxième bataille en faisant appel. En même temps nous lançons un appel à la solidarité pour continuer le combat pour plus de transparence fiscale. C’est ce que je fais depuis quatre ans déjà, dans l’anonymat au départ et maintenant de manière publique. Plus de justice fiscale, c’est le combat qu’on mène maintenant. Il va être long, il va être difficile, il ne se terminera sans doute jamais. C’est pour ça que plus que jamais on a besoin de tout le monde, de tous les citoyens russes, américains, australiens, européens, français etc., parce que l’évasion fiscale fait énormément de mal à l’Afrique, au pays pauvres et c’est la première des batailles à mener.

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