Approche schizophrène des Etats-Unis en Syrie : combattre les forces qui combattent les terroristes

La politique des Etats-Unis en Syrie est «schizophrène et opportuniste» vu que les Américains luttent contre le gouvernement Assad, qui fait le gros de la lutte contre Daesh, affirme Brian Becker de l’organisation antimilitariste ANSWER Coalition.

RT : Que pensez-vous du financement et de la formation par les Etats-Unis des soi-disant rebelles modérés en Syrie ?

Brian Becker (B. B.) : Le programme militaire américain, via lequel la CIA examine, forme, finance et envoie des groupes armés de rebelles syriens sur le champ de bataille a été un fiasco complet. La destruction totale, ou en ce moment quasi-totale, de l'Armée nationale syrienne suite à la déliquescence de la soi-disant Armée syrienne libre montre que l'ensemble du projet américain en Syrie est une catastrophe absolue.

Rebelles syriens, vrais patriotes ou nationalistes syriens, peu importe qui ils sont vraiment, grâce à leur opposition au gouvernement Assad, ils vont pouvoir être formés par la CIA, obtenir de l’argent de la CIA, tout cela à cause de ce terrible rôle que joue la CIA au Moyen-Orient en sapant le panarabisme, le nationalisme arabe et le droit à l'autodétermination du peuple palestinien.

Tout cela, l'ensemble de ce programme est parti en fumée. On dit au peuple américain : «Ce sont des bons rebelles, des modérés. Ils ont le sceau d'approbation de bonne tenue de la CIA». Mais ils n'existent pas. Ils sont un mythe, et quand ils vont se battre, et quand ils tiennent le terrain, ils sont décimés par l’Etat islamique.

Les groupes d'opposition armés ne fonctionnent pas vraiment comme des combattants pour la liberté, mais plutôt comme des mercenaires et ils vont là où il peuvent gagner le plus

RT : Les armes américaines finissent souvent en de mauvaises mains. Que pensez-vous de cela ?

B. B. : Je pense que cela prouve que quand le gouvernement américain envoie des armes et des soldats et que ces soldats partent rejoindre Daesh ou leur livrent leurs armes, il existe une interconnexion toxique, mêlée d’un vrai opportunisme de la part des États-Unis, d’un opportunisme de la part de ces soi-disant rebelles ou combattants de la liberté, qui obtiennent armes et argent de la CIA. Et non loin de là, il y a des gouvernements dans la région : la Turquie, l'Arabie saoudite et le Qatar, qui ouvrent leur chéquier en faisant couler des fleuves d'argent de leurs propres trésoreries nationales pour soutenir les groupes d'opposition armés, qui font de meilleures affaires, encaissent encore plus d'argent. Ils ne fonctionnent pas vraiment comme des combattants pour la liberté, mais plutôt comme des mercenaires et ils vont là où il peuvent gagner le plus. Et bien sûr que c’est avec Daesh, le Front al-Nosra, l’Armée de la Conquête, et pas avec les rebelles soi-disant modérés [qu’ils peuvent gagner le plus].

RT : Comment décririez-vous la politique américaine actuelle en Syrie ?

B. B. : Je pense que les Etats-Unis mènent une politique étrangère schizophrène et je dirais même purement opportuniste en ce qui concerne la Syrie. Dès le début, leur véritable objectif était de renverser le gouvernement Assad, quand en août-septembre 2013 les Etats-Unis se sont presque mis à bombarder la Syrie. On ne parlait pas du tout de la menace existentielle posée par Daesh à l’époque. Tout était dirigé contre le gouvernement Assad. Les combattants de cette soi-disant Armée syrienne libre ont dû prêter serment et ce serment, écrit par la CIA, leur fait un devoir de se battre non pas seulement contre Daesh, mais aussi contre le gouvernement Assad. Vous ne pouvez pas vraiment lutter à la fois contre le gouvernement Assad, qui fait l'essentiel de la lutte contre les terroristes, contre Daesh, et en même temps soutenir les groupes armés qui luttent contre le gouvernement syrien. C’est une politique étrangère schizophrène et c’est une catastrophe.

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