RT : Quand Washington a à nouveau envoyé des troupes en Irak en 2014, Barack Obama a promis de dégrader et de détruire Daesh. Cependant, les faits montrent que, malgré tous ces efforts, les terroristes sont toujours en progression. Pourquoi arrivent-ils à mener des attaques meurtrières en plein centre de la capitale de l'Irak ?
Catherine Shakdam (C. Sh.) : Notre principal problème est que nous continuons à croire qu’un renforcement militaire va changer quelque chose. Ce que nous devons faire, tout d'abord, est de s’assurer que l'Irak veut une intervention militaire avec une participation de troupes étrangères. Sinon, cela entraverait sa souveraineté.
Deuxième chose : je pense que nous devons sortir des sentiers battus. Car au cours des dix dernières années, nous avons intensifié l’activité militaire, mais cela n'a pas fonctionné. Cela a fonctionné en Syrie, parce qu'il y avait une très forte coopération entre la Russie, l'Iran et Damas. De vrais efforts ont été faits pour essayer de briser les cellules de Daesh sur le terrain.
Les États-Unis [...] utilise[nt] la terreur comme outil politique pour faire avancer leur propre agenda, qui n'a rien à voir avec la lutte contre le terrorisme.
Ce n'est pas le cas en Irak. Il y a un problème et nous croyons que les puissances occidentales, les États-Unis en particulier, sont intéressées à l’idée de combattre le terrorisme, alors que ce qu'ils font véritablement c’est utiliser la terreur comme outil politique pour faire avancer leur propre agenda, qui n'a rien à voir avec la lutte contre le terrorisme.
Encore plus important : les Etats-Unis se rallient encore à, par exemple, la Turquie qui, comme nous le savons maintenant, est largement impliquée dans le soutien au terrorisme à travers le Moyen-Orient. Et maintenant, alors qu'ils perdent du terrain en Syrie, ils passent à la vitesse supérieure en Irak, parce qu'ils essaient de trouver une solution de repli sur le plan militaire. Je pense que nous devons regarder l'Irak et comprendre que ce qui se passe aujourd'hui – l’organisation d’attaques terroristes – est un conséquence directe de la victoire du président Bachar al-Assad en Syrie : nous voyons que, désormais, les militants de Daesh se replient en Irak et essayent de trouver un nouveau terrain. Et une façon de se rassurer...
Ce que nous devons faire [...] est de s’assurer que l'Irak veut une intervention militaire avec une participation de troupes étrangères
RT: Qu'en est-il de l'armée irakienne elle-même ? Pourquoi est-elle incapable d’assurer la sécurité de la ville de Bagdad ?
C. Sh. : En ce qui concerne l'armée irakienne il y a beaucoup de désorganisation et de problèmes d’ordre sectaire et ethnique au sein de l'armée. C’est très triste à dire, mais c’est la réalité. L'armée irakienne n’est pas très unie. C’est un problème... et les États-Unis ont beaucoup à voir avec ceci : ils ont financé le sectarisme afin d’atteindre les objectifs de leur propre agenda politique. Jusqu'à présent Bagdad a été plus ou moins stable car la ville n'avait pas été atteinte, mais cela a été très difficile d'empêcher les attaques terroristes. Il est difficile d'empêcher les gens de mener des attentats-suicides et tout le reste. La sécurité ne peut jamais être absolument parfaite.
Ce qu’il faut faire c’est mettre de côté l'idéologie et essayer de réunir ce qui a été désuni. Cela impliquerait une tentative de promotion du nationalisme en Irak et celle de faire comprendre aux gens que les questions de religion et d'origine ethnique devraient être traitées différemment - et non dans la violence -, que les gens ont le droit en tant qu’Irakiens de cohabiter, qu’ils ont le droit de s'exprimer.
Les puissances occidentales ont fait beaucoup de mal au Moyen-Orient, en finançant la tension et en déchaînant les ethnies et les religions les unes contre les autres
Cependant, que ce soit l'appartenance ethnique ou la religion, ils ont droit à leur identité et à leur foi. Mais c’est là le problème : ce n’est pas le message diffusé de nos jours, encore une fois à cause du récit [suscité par l’Occident]. Les puissances occidentales ont fait beaucoup de mal au Moyen-Orient, en finançant la tension et en déchaînant les ethnies et les religions les unes contre les autres. Aujourd’hui on voit le résultat : vous allez trouver des pays qui sont dans le désarroi – pas seulement socialement, mais aussi politiquement, économiquement, militairement. C’est ce qui résulte, de nos jours, de ce genre de déconstruction du nationalisme. Cela représente un grave danger : il est très difficile de réparer ce qui a été brisé. Cela prend beaucoup de temps et ils font face au terrorisme. Mais ils ne disposent pas de beaucoup de temps - ils doivent agir tout de suite et ensemble - ou ils mourront ensemble, tout simplement.
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