Grâce à sa très forte croissance, la Chine est devenue une superpuissance économique mondiale. Ce n’est pas un hasard si les données de la Banque mondiale (BM) et du Fonds monétaire international (FMI) indiquent que le PIB (à parité de pouvoir d’achat) chinois a largement dépassé celui des Etats-Unis depuis 2014 déjà, pour se hisser au première rang mondial. Ainsi, dans environ cinq ans, en parlant des chiffres absolus et en tenant compte de son rythme actuel de développement, Pékin deviendra la première puissance économique mondiale. Néanmoins, l’Inde est d’ores et déjà sur ses talons et ce pays pourrait être capable de dépasser d'ici cinq ans la Chine en nombre d’habitants et d'ici 20 ans en termes d'indicateurs économiques. Telle est la logique du processus économique mondial et, en parallèle, de l’évolution des relations internationales.
Cependant, le positionnement de Pékin n’a pas l’air si brillant s’agissant de la politique internationale, car la Chine continue de subir une pression constante des Etats-Unis, non seulement dans leurs relations bilatérales, mais également en ce qui concerne son entourage géopolitique. En effet, sur l’ensemble du potentiel étatique, la Chine est bien derrière les Etats-Unis : son budget militaire est quatre fois inférieur à celui de l’Etat américain ; en nombre d’armes nucléaires et en moyens de transport militaires, les Américains dépassent largement les Chinois ; la marine chinoise ne possède actuellement qu’un seul porte-avion tandis que, les Américains en ont 11 ; enfin, dans les faits, la Chine est encerclée par des bases militaires américaines, surtout à l’Est et au Sud-Est du pays.
La situation en Corée du Nord semble être une épine dans le pied de Pékin
En réalité, Washington s’est mis à rétablir ses anciennes alliances militaires dans la région Asie-Pacifique, en y invitant activement les Etats qui craignent une «prééminence pacifique» de la Chine, c’est-à-dire le Japon, les Philippines, l’Australie et le Vietnam.
L’évolution de la situation autour des îles situées dans les mers de Chine Orientale et Méridionale contestées à la fois par le Japon, le Vietnam, les Philippines et la Malaisie, tout comme le problème frontalier avec l’Inde qui n’a toujours pas été réglé, reste imprévisible. La situation en Corée du Nord semble également être une épine dans le pied de Pékin, au regard de «l’incontrôlabilité» de l’actuel régime nord-coréen et de l’installation probable en Corée du Sud de systèmes anti-missile américains, dirigés, entre autres, contre la Chine. Et il ne faut pas oublier la réticence de Taïwan à intégrer la Chine continentale, qui gêne considérablement Pékin dans sa tentative de devenir une puissance globale. Pour preuves, d'une part l’élection récente d’un «président» inacceptable pour la République populaire de Chine, et la relégation du Kuomintang – qui a toujours été un partisan d’une Chine unie – dans le camp de l’opposition, et d'autre part le fait que plus de 85% de la population de l’ex-Formose refusent d’intégrer la Chine continentale.
Il est évident que le projet chinois de Ceinture économique de la route de la soie sert à créer une zone au sein de l’espace eurasiatique, où la Chine sera progressivement perçue comme un leader global
En outre, la diplomatie chinoise ne participe toujours que de façon très discrète à la résolution de nombreux problèmes internationaux importants : la guerre contre Daesh en Syrie et en Irak, le conflit israélo-palestinien, la crise en Ukraine et autres. Manifestement, Pékin attend que le degré d’opposition y soit moins élevé pour que des conditions avantageuses pour la Chine soit réunies. Du coup, l’Empire du Milieu se présente actuellement comme la plus grande puissance de la région Asie-Pacifique avec de grandes ambitions pour devenir une puissance globale. Ce qui est symptomatique, c’est le fait qu’elle cherche à atteindre cet objectif par des moyens pacifiques, précisément en utilisant les capacités de sa diplomatie économique.
Il est évident que le projet chinois de Ceinture économique de la route de la soie, annoncé par Xi Jinping en septembre 2013 lors d’une visite au Kazakhstan, en plus d’être une belle occasion de créer des infrastructures adéquates pour soutenir l’expansion chinoise à l’ouest, sert à créer une zone au sein de l’espace eurasiatique, où la Chine sera progressivement perçue comme un leader global, capable de prendre la tête de l’Asie, de l’Europe et l’Amérique latine. On peut voir un fondement pour cela dans les seules promesses d’investissement faites par les dirigeants chinois : 500 milliards de dollars américains pour l’Iran, même somme pour l’Amérique latine, 200 milliards pour l’Afrique, 30 milliards pour le Pakistan, 20 milliards pour l’Inde et bien des milliards pour les pays du Proche et du Moyen-Orient, de l’Europe centrale et de l’Est.
Un autre projet chinois a été la création de la Banque asiatique d’investissements pour les infrastructures. En 2015, 57 pays se sont engagés dans ce projet – un grand succès pour la Chine –, y compris la Grande Bretagne, l’Allemagne et la France – pourtant tous des «satellites» américains, attirés par des contrats respectivement de 50, 17 et 18 milliards de dollars qui ont été signés par la suite.
C’est le partenariat avec les Etats-Unis qui devient le plus délicat pour la Chine
Tous ces projets globaux chinois ont en outre besoin d’être «traduits» en langages économique et juridique car ils ont l’air d’être unilatéraux : les règles du jeux communes à toutes les parties prenantes en sont absentes. Comment cela va-t-il alors se passer ? Etape par étape ? Selon les cas ? Ou bien, seulement sur la base des conditions chinoises ? C’est aussi le cas du fameux projet américain de Partenariat Transpacifique qui a été négocié entre 12 Etats participants pendant plus de six ans.
Les décisions stratégiques sur tous les projets en question seront prises par la Chine de manière indépendante, sans qu’elle ait recours au FMI ou à la Banque mondiale, institutions que les Chinois considèrent comme contrôlées par les Etats-Unis, ce qui explique aussi partiellement l’insistance de Pékin de créer une banque de développement pour les BRICS.
Par conséquent, c’est le partenariat avec les Etats-Unis qui devient le plus délicat pour la Chine. Le déséquilibre dans les relations entre les deux pays s’accroît : d’un côté l’interdépendance entre les deux pays augmente, le montant du commerce extérieur a pratiquement atteint les 600 milliards de dollars américains, et de l’autre, les contradictions dans le domaine militaro-politique deviennent de plus en plus nombreuses. Pour l’instant, les Etats-Unis dominent encore les débats, alors que la Chine est de plus en plus active, surtout dans la région de l’Asie-Pacifique
Après avoir affiché ses ambitions concernant les îles Senkaku, Pékin comprend qu’aujourd’hui les forces ne sont pas égales, et se résout à baisser d’un ton ses propos
Si dans le domaine commercial et économique les Américains et les Chinois sont, paraît-il, parvenus à atteindre un compromis – là, les Etats-Unis sont clairement sur la défensive, car ils sont intéressés par les investissements chinois –, mais dans le cas des domaines sensibles de production de hautes technologies sur leur sol, les Américains ont dû mal à résister à la pénétration chinoise. En plus, dans l’Est et le Sud-Est de l’Asie, il n’y a pratiquement pas de pays, qui ne voudraient pas profiter du travail chinois à bon marché.
Néanmoins, dans le domaine militaire, de nombreux Etats de la région Asie-Pacifique considèrent les Etats-Unis comme le garant de la sécurité.
Aujourd’hui, cela se manifeste par l’intensification des contestations territoriales en mer de Chine méridionale et par la construction d’îles artificielles chinoises équipées d’infrastructure militaires (systèmes anti-missile et de défense aérospatiale), dont la vocation et de garantir le contrôle chinois sur les principaux axes de transports. Après avoir affiché ses ambitions concernant les îles Senkaku (ou Diaoyutai en chinois simplifié) qui sont actuellement contrôlées par Tokyo, Pékin comprend qu’aujourd’hui les forces ne sont pas égales, et se résout à baisser d’un ton ses propos. Preuve que Pékin cherche à instaurer ses règles de jeu en Asie de l’Est, surtout du point de vue de la sécurité des routes commerciales maritimes, de la prospection et de l’utilisation des ressources minérales dans cette région.
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