«Ce n’est pas en mettant en garde à vue un général, qu’on va calmer les esprits»

Les forces de sécurité n’ont pas fait preuve de discernement pendant l’arrestation du général Christian Piquemal, estime le général Bruno Dary.

RT : Cette arrestation du général Piquemal, pourquoi a-t-elle provoqué autant de réactions ?

Bruno Dary : D’abord je tiens à exprimer ma solidarité avec le général Piquemal. Je voudrais citer ce que disait Antoine de Saint-Exupéry qui a eu ces propos tout à fait opportuns : «Puisque je suis l'un d'eux, je ne renierai jamais les miens quoiqu'ils fassent. Je ne parlerai jamais contre eux devant autrui. S'il est possible de prendre leur défense, je les défendrai. S'il sont couverts de honte, j'enfermerai cette honte dans mon cœur, et je me tairai ! Quoique je pense alors sur eux, je ne servirai jamais de témoin à charge». Je parle de la solidarité et je ne remets pas en cause les institutions françaises. Ce n’est pas bien de manifester quand une manifestation est interdite par le préfet. Mais si ça fait le buzz, ça pose quelques problèmes. D’abord il y a beaucoup de maladresse dans la gestion de cet incident, parce que cette manifestation était certes interdite, mais n’a pas été violente. Il faut faire une différence entre la loi et l’application de la loi avec un peu de discernement. Je pense que les forces de sécurité n’ont pas fait preuve de discernement.

Il y a beaucoup de maladresse dans la gestion de cet incident, parce que cette manifestation était certes interdite, mais n’a pas été violente

Ce n’est pas en mettant en garde à vue un général qu’on va calmer les esprits. Je trouve que c’est contre-productif. La preuve c’est que le juge d’instruction à qui on a refilé la patate chaude était prisonnier entre deux choix – soit il fait un rappel à la loi, c’est-à-dire qu’il contredisait le fait d’avoir mis un général en garde à vue, ou il lui mettait de la prison avec sursis, ce qui aurait été un scandale pas possible. Au final il a botté en touche en disant «on verra plus tard». Plus tard, tout le monde aura oublié l’incident.

Je pense que c’est maladroit, ambigu et inopportun. Et quand je dis ça, on comprend que manifester ce n’est pas bien, mais ce n’est pas gravissime comme le traitement judiciaire qui en a été fait.

RT France : Par rapport à l’arrestation, sur la façon dont elle s’est déroulée, est-ce que vous pensez qu’une arrestation pareille est justifiée ?

Bruno Dary : D’après ce qu’on voit à travers les images, il était ciblé : ils l’ont repéré, ils l’ont arrêté, ils ne se sont pas fait chier, ils l’ont embarqué. On parle de 50 personnes, mais ils ont arrêté un général. Il a été donc parfaitement ciblé . Ils savaient qu’il était là et ils voulaient manifestement l’arrêter.

En France, se regrouper en public et manifester, c’est un droit. Vous ne demandez pas l’autorisation, vous faites un dépôt : vous informez le préfet que vous allez manifester. C’est un droit fondamental. Le préfet, dans une démocratie, en France, répugne souvent à interdire les manifestations. Là ils auraient pu laisser se faire la manifestation, avec 100-150 personnes, en mettant un car de CRS à quelques centaines de kilomètres, et personne n’en parlait. Par contre là, ça a fait le buzz.

A croire qu’il faut être violent pour se faire écouter en France, malheureusement

RT France : Plusieurs hommes politiques dénoncent les «deux poids deux mesures» concernant les agissements de la police lors de la manifestation de l’extrême gauche à Rennes. Etes-vous d’accord ? 

Bruno Dary : Je ne fais pas de politique. Mais il y a d’un côté les gens qui cassent tout et de l’autre – les gens qui manifestent pacifiquement et qui sont arrêtés. Il y a beaucoup d’ambiguïtés, parce que si on mettait en garde à vue tous ceux qui violent ainsi la loi, il faudrait doubler, tripler les prisons françaises. Je pense, aux djihadistes, aux clandestins, aux manifestants à Calais qui sont violents, aux bonnets de toutes les couleurs, etc. A croire qu’il faut être violent pour se faire écouter en France, malheureusement. Et je pense que c’est inopportun parce que l’immigration d’aujourd’hui c’est un problème grave, complexe, sensible, et que la question de l’immigration, tout le monde est d’accord à part les services de l’Etat, nécessite du calme et de la pondération.

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