Moscou est prêt à négocier sur la situation en Ukraine, mais n’examinera aucune proposition de cessez-le-feu, a déclaré le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov.
La Russie est prête à négocier sur la situation en Ukraine, mais n’a pas l’intention d’examiner les propositions de cessez-le-feu, a déclaré le 23 septembre le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, lors d’une conférence de presse à l’issue de la 78e session de l’Assemblée générale des Nations unies.
Quand aujourd’hui, on nous parle de "négociations"... Le président russe Vladimir Poutine a déjà donné son commentaire et a clairement déclaré que nous étions prêts à négocier, mais nous n’examinerons aucune proposition de cessez-le-feu. Parce que nous en avons déjà envisagé une, mais ils nous ont trompés
Sergueï Lavrov a rappelé qu’au printemps 2022, la partie russe s’était assise à la table des négociations et avait trouvé un accord avec Kiev :
Après cela, si je comprends bien, on a dit à Volodymyr Zelensky que s’ils [la Russie] l’avaient accepté si rapidement, il fallait les épuiser davantage. Seulement "sur le champ de bataille", ont-ils ajouté
Fin juillet, commentant l’initiative de paix africaine, dont l’un des points était un cessez-le-feu, Vladimir Poutine a annoncé que Moscou ne pouvait pas le faire unilatéralement. «L’armée ukrainienne avance, elle attaque, elle mène [...] une offensive stratégique à grande échelle. Pourquoi donc s’adresser à nous avec un cessez-le-feu ? Nous ne pouvons pas cesser le feu alors qu’ils avancent sur nous», a déclaré le chef de l’État russe.
Quant aux perspectives d’éventuelles négociations, selon Sergueï Lavrov, l’Ukraine n’a fait encore aucun pas pour les entamer. Kiev n’a pas annulé le décret formalisant l’impossibilité de négocier avec la Fédération de Russie, a souligné le ministre :
Zelensky et tous ceux qui le dirigent depuis Washington, Londres et Bruxelles, affirment à l’unisson qu’il n’y a pas d’autre base pour la paix que la "formule de Zelensky". On peut décrire cette "formule" de manière différente, mais elle est absolument irréalisable. Tout le monde le sait. Dans le même temps, ils déclarent que c’est la seule base de négociation et que, en général, la Russie doit être vaincue "sur le champ de bataille". Voilà ce que nous entendons comme des faits... Et dans ces conditions, si ça doit être "sur le champ de bataille", alors faisons-le
Les analystes estiment que ce sont surtout l’Occident et le régime de Kiev qui ne sont pas intéressés par la fin des hostilités et les négociations, comme l'explique Vladimir Jarikhine, directeur adjoint de l’Institut des pays de la CEI, à la chaîne de télévision RT :
La Russie ne rejette pas à l’avance la possibilité de négocier, mais nous avons besoin de garanties pour que cela ne finisse pas comme à Istanbul. En outre, les autorités américaines ne veulent ni négociations ni cessez-le-feu. Au début, Biden avait l’intention de se présenter aux élections comme vainqueur. Pour ce faire, il avait besoin d’une contre-offensive des forces armées ukrainiennes. Pourtant, elle a échoué, et il lui reste, donc, la seule option – se présenter devant les électeurs comme un guerrier qui aide l’Ukraine à lutter contre la Russie
«Ils ont planifié de faire de l’Ukraine une anti-Russie»
Le chef de la diplomatie russe a également souligné que la crise actuelle de la sécurité européenne était due à la politique menée par l’Occident, qui a cherché à faire de l’Ukraine une anti-Russie :
Ce pays était préparé à adhérer à l’OTAN. Arrivé au pouvoir à la suite d’un coup d’Etat, le régime de Kiev était encouragé à créer des menaces directes pour la sécurité de la Fédération de Russie à nos frontières et à exterminer tout ce qui était russe en Ukraine : dans les lois, l’éducation, les médias et la culture
Les analystes interrogés par RT partagent ce point de vue, comme Vladimir Jarikhine :
Dès le début, les Etats-Unis ont planifié de faire de l’Ukraine une anti-Russie. Ils ont provoqué le début des opérations militaires afin de rendre le continent européen instable. Selon leur projet, cela aurait dû les aider, entre autres, à soumettre l’UE, qui a essayé il y a quelque temps d’organiser sa propre entité et de mener sa propre politique étrangère indépendante.
Selon lui, les Etats-Unis ont en grande partie réussi à atteindre ces objectifs, car Bruxelles «ne prend plus de telles initiatives», alors que la grande majorité des pays européens suivent le cap américain.
Vladimir Olentchenko, chercheur principal au Centre d’études européennes de l’Institut de l’économie mondiale et des relations internationales de l’Académie des sciences russe, a de son côté expliqué qu’à l’aide d’une telle politique, les États tentaient également d’affaiblir la Russie :
Cette crise a été générée aux Etats-Unis. L’idée que si l’Ukraine était séparée de la Russie, celle-ci ne survivrait pas, peut être considérée comme le point de départ. Cette pensée a déjà été exprimée par Zbigniew Brzezinski. Cependant, l’Occident a sous-estimé la Russie. Il est impossible d’établir des relations avec Moscou par de telles méthodes. L’Europe, qui est plus expérimentée dans les relations avec nous, aurait dû en avertir Washington. A l’avenir, elle devrait jeter un regard critique sur cette situation avant de reconnaître que c’est bien l’Europe qui est responsable de la mise en œuvre de la doctrine américaine
La guerre contre son propre peuple
Lors de la conférence de presse, Sergueï Lavrov a également répondu à la question de savoir si la Russie reconnaissait la souveraineté de l’Ukraine. Il a rappelé que Moscou avait reconnu en 1991 la déclaration d’indépendance adoptée par Kiev lorsqu’elle s’est retirée de l’URSS :
Il y avait beaucoup de bonnes choses dans cette déclaration, notamment le respect des droits des minorités nationales... Ensuite, tout cela a été ajouté dans leur Constitution. Dans la déclaration d’indépendance, l’un des principaux points pour nous était que l’Ukraine serait un pays non aligné, qu’elle ne rejoindrait aucune alliance militaire. Selon cette version, dans ces conditions, nous soutenions l’intégrité territoriale de cet Etat
Il est à noter que la déclaration de souveraineté de l’Etat adoptée le 16 juillet 1990 stipule que l’Ukraine «garantit à toutes les nationalités vivant sur le territoire de la République le droit à leur libre développement national et culturel» et assure également «l’égalité devant la loi de tous les citoyens de la République», indépendamment de leur nationalité et de leur langue.
Selon l’Acte de déclaration d’indépendance approuvé en 1991, ce document remplit la déclaration de souveraineté de l’Etat ukrainien.
Toutefois, après le coup d’Etat de 2014, les nouvelles autorités ukrainiennes ont commencé à violer systématiquement ces principes, a déclaré Sergueï Lavrov. Selon lui, leur mépris des engagements pris a en fin de compte conduit à la destruction de l’intégrité territoriale de l’Ukraine :
D’abord, ces "démocrates" qui ont effectué le coup d’Etat et tué une centaine de personnes ont déclaré qu’ils allaient annuler le statut de la langue russe en Ukraine. Ils ont ensuite annoncé une marche de combattants armés vers la Crimée pour s’emparer du Conseil suprême de Crimée. Les gens [en Crimée] sont simplement sortis pour défendre leurs maisons, leur langue, leurs traditions. Ils ont organisé un référendum. Et la Crimée a immédiatement rejoint la Russie
Par la suite, dès que les habitants du Donbass ont organisé des référendums sur l’autodétermination, Kiev a envoyé des avions de combat et des chars contre eux, a déclaré le ministre.
L’autre jour, l’Assemblée générale de l’ONU a déclaré qu’elle respecterait l’intégrité territoriale de ceux qui représentent l’ensemble de la population vivant sur son territoire. En fait, une guerre a été déclenchée contre le Donbass et la Crimée. Comment peut-on dire que le gouvernement putschiste représente le peuple ou les habitants de ces territoires, qui ont organisé en 2022 un référendum sur l’adhésion à la Fédération de Russie ?
«Nous n’avons aucun problème avec l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Elle a été détruite par ceux qui ont effectué et soutenu le coup d’Etat, dont les leaders ont déclaré la guerre contre leur propre peuple et ont commencé à le bombarder», a-t-il aussi souligné.
D’après les analystes, c’est précisément la tentative d’établir par la force un Etat unitaire sans tenir compte de l’opinion de la population des régions dans le Sud-Est qui a conduit l’Ukraine à la catastrophe, selon Vladimir Jarikhine :
L’Ukraine ne peut exister que dans le cadre d’une structure fédérale, parce que certaines régions sont très différentes les unes des autres. Mais Kiev s’est mis à construire un Etat unitaire par la force, en essayant de forcer les régions de l’Est et du Sud à accepter l’idée de construire un Etat anti-russe. Par conséquent, Kiev a fait face à la résistance de ces régions. Lavrov a posé un diagnostic absolument précis
Vladimir Olentchenko partage le même point de vue :
Ce que l’on observe aujourd’hui en Ukraine est la conséquence du non-respect des dispositions de la Constitution ukrainienne. En outre, la politique de Kiev contredit les normes internationales. Si les autorités ukrainiennes actuelles étaient intéressées par des relations constructives avec la Russie et par la position honorable de l’Ukraine à l’échelle régionale et mondiale, elles respecteraient les dispositions stipulées par le document fondamental de leur pays