Bamako ordonné le 20 juillet l'expulsion du porte-parole de la mission de l'ONU au Mali, la Minusma – une nouvelle manifestation de la brouille diplomatique entre les autorités militaires du pays et certains de leurs partenaires internationaux.
Il est reproché à Olivier Salgado, de nationalité française, d'avoir posté sur le réseau social Twitter des «informations inacceptables» au lendemain de l'arrestation de 49 soldats ivoiriens à Bamako le 10 juillet.
Le gouvernement malien a notifié le 20 juillet à la représentante spéciale adjointe du secrétaire général de l'ONU, Daniela Kroslak, «la décision» de Bamako «invitant M. Olivier Salgado, porte-parole de la Minusma à quitter le territoire dans un délai de 72 heures», selon un communiqué transmis à l'AFP.
Il avait publié, en tant que porte-parole des Nations unies au Mali depuis la création de la mission en 2013, des éléments de communication de la Minusma sur cette affaire des 49 soldats ivoiriens interpellés. Ceux-là, qualifiés de «mercenaires» par Bamako, étaient selon Abidjan des éléments de soutien au contingent ivoirien de la Minusma, des «Eléments nationaux de soutien» (ENS), une procédure de l'ONU permettant aux contingents des missions de maintien de la paix de faire appel à des prestataires extérieurs à l'ONU pour des appuis logistiques. Ils devaient, selon la Côte d'Ivoire, prendre la relève d'autres Ivoiriens déployés au Mali.
Selon le tweet du porte-parole de la Minusma le 11 juillet, l'information de cette relève «aurait été préalablement communiquée aux autorités nationales», ce que Bamako a démenti.
Tensions Mali-ONU
L'expulsion d'Olivier Salgado vient s'ajouter à d'autres accrocs diplomatiques entre le Mali et l'ONU.
Le 14 juillet, Bamako a annoncé la suspension de toutes les rotations militaire et policières de la Minusma, arguant de la nécessité de tenir une «réunion» entre les deux parties pour «faciliter la coordination et la réglementation» desdites rotations. Aucune date n'a été avancée pour cette réunion.
L'Egypte avait le lendemain annoncé suspendre la participation de ses quelques 1 035 soldats à la Minusma à compter d'août, dont le mandat a été renouvelé pour un an le 29 juin. Ce renouvellement s'est accompagné d'une «opposition ferme» du Mali à la liberté de mouvement des Casques bleus pour des investigations liées aux droits de l'homme.
Son ambassadeur à l'ONU Issa Konfourou avait notamment déclaré que Bamako «n'entend[ait] pas exécuter» les dispositions du mandat liées à la libre-circulation des Casques bleus pour des investigations sans feu vert préalable.
Une redite de l'expulsion des forces françaises au Mali ?
Cette expulsion intervient dans un contexte de bras de fer diplomatique qui dure depuis plusieurs mois entre Bamako et certains de ses partenaires : la France, d'abord, que le Mali a poussée vers la sortie début 2022 après neuf ans de présence militaire dans le pays, via l'opération Serval puis Barkhane. L'escalade des accrocs diplomatiques entre la Minusma et le Mali suit «exactement le même chemin» que celui pris par la relation entre la France et le Mali, a commenté à l'AFP un chercheur à Bamako sous couvert de l'anonymat : «un blocage de contingents étrangers, la remise en cause du cadre juridique puis l'expulsion d'une figure visible et symbolique...» L'ambassadeur français avait été expulsé en janvier par les autorités maliennes. Les derniers soldats français doivent quitter le Mali d'ici quelques semaines.
Puis avec la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), qui a durant six mois durement sanctionné le Mali en raison du non-respect de ses engagements, notamment sur la question sensible du retour des civils au pouvoir. Les sanctions économiques et financières ont finalement été levées début juillet après la présentation d'un chronogramme électoral fixant le prochain scrutin présidentiel à février 2024.
Bras de fer avec la Côte d'Ivoire, enfin, depuis le 10 juillet après l'interpellation de 49 soldats à l'aéroport de Bamako. Ils restaient le 20 juillet en détention au Mali.
La dernière personnalité de l'ONU au Mali à avoir été priée de quitter le territoire était le représentant de la mission à Kidal, dans le nord du pays, fin 2019, après des propos jugés déplacés par les autorités d'alors.