Emmanuel Macron a annoncé le 17 février le retrait militaire de la France du Mali, mais a «récusé complètement» le terme d'échec, expliquant que si la France n'avait pas décidé d'intervenir en 2013, il y aurait eu au Mali à «coup sûr un effondrement de l'Etat». Selon le président «[les] militaires [français] ont obtenu de nombreux succès», dont l'élimination de l'émir d'Al Qaïda au Maghreb Islamique (Aqmi) en juin 2020. Une annonce qui fait réagir la classe politique. D'aucuns dénoncent un «gâchis» ou un «désastre» quand d'autres n'hésitent pas à déplorer le maintien de la «Françafrique».
Dans un communiqué, le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a ainsi évoqué «le gâchis mortel d'Emmanuel Macron». Selon lui, «le désastre était si largement prévisible [...] et cela depuis le premier jour». «53 militaires tués au combat plus tard, des centaines sans doute de civils maliens pris entre deux feux, dix ans de guerre et un seul vote à l’Assemblée nationale, trois millions d’euros dépensés par jour, huit milliards au total et nous devons partir, humiliés», poursuit-il, considérant que la France laisse «un pays ami en ruine, un peuple frère déchiré, un putschiste au pouvoir et une bande de mercenaires russes ratissant son espace comme une meute féroce».
Pour l'un des leaders du Nouveau parti anticapitaliste, Olivier Besancenot, «les troupes militaires françaises quittent le Mali... pour se concentrer au Niger». «Les sites d’uranium du nucléaire français toujours sous haute protection des intérêts impérialistes hexagonaux. C’est aussi cela la Françafrique !», s'exclame-t-il.
Dans la même veine, la candidate Lutte ouvrière pour la présidentielle Nathalie Arthaud exige le retrait des «troupes françaises hors d'Afrique» : «Les troupes françaises quitteront le Mali pour se replier au Niger. L'Afrique n'en a pas fini avec l'impérialisme français qui domine et exploite les pays pauvres comme il domine et exploite les travailleurs ici.»
Dans un communiqué, le leader écologiste (EELV), Yannick Jadot, dit «réaffirmer que la solution pour la paix ne pourra être uniquement militaire, mais devra avant tout être diplomatique et politique». Selon celui-ci, «il était indispensable que la France revoie son dispositif : ce retrait était dès lors inévitable».
Sur France 2, le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, a pour sa part rendu hommage aux 57 militaires Français tombés au Mali «qui ont défendu nos valeurs et donné la possibilité aux Maliens de faire face au djihadisme». «Une présence française sous une autre forme est nécessaire, pour notre sécurité collective il faut se redéployer au Sahel», a-t-il poursuivi.
La droite déplore l'attitude du «pouvoir malien»
Jean-Christophe Lagarde (UDI) a quant à lui parlé dans un tweet d'un «jour sombre» et considéré que «ce départ signe aussi hélas l'échec total des stratégies successives de monsieur Macron». Il a fustigé «un pouvoir malien usurpé qui se nourrit d’une propagande anti-française éhontée». D'après le député de centre-droit, «le départ de l’armée française était devenu inévitable».
La candidate Les Républicains pour 2022, Valérie Pécresse, a estimé sur LCI que «notre mission au Sahel de lutte contre l’islamisme n'[était] pas terminée» souhaitant d'autre part «que la France reste au Sahel» : «Que nos militaires qui ont payé le prix du sang, je veux que ces militaires puissent continuer cette lutte contre l’islamisme, le djihadisme au Sahel.»
Pour la présidente de la Région Ile-de-France, «la façon dont la France est traitée par la junte malienne n'est pas digne» et «on ne peut pas payer le prix du sang pour un pays qui ne veut pas de vous», selon elle, mais il ne faut toutefois «pas partir comme l'ont fait les Américains en Afghanistan». «Il ne faut pas abandonner ce terrain sur lequel la France défend des valeurs universelles», a-t-elle insisté.
La commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat, actuellement dominé par l'opposition de droite, a «approuvé la décision de bon sens» du retrait militaire du Mali : «Le retrait de Barkhane du Mali était devenu inévitable dès lors que la junte malienne avait tourné le dos à la transition démocratique, multiplié les gestes hostiles envers la France, fait obstruction aux opérations militaires de notre armée et de nos alliés européens et invité le groupe Wagner à se déployer sur son territoire.»
L'ancien ministre de la Défense Jean-Marie Bockel, dont le fils Pierre Bockel est mort en novembre 2019 dans le cadre d'une mission de l'opération Barkhane, a fait part auprès de l'AFP de sa «tristesse», estimant que la décision du retrait des militaires français était «inéluctable».
«Je regrette ce départ, je vis mal ce gâchis, mais je considère que nous avons fait notre travail», a expliqué l'ancien ministre de François Mitterrand et de Nicolas Sarkozy.