Invité sur BFM TV le 7 mars, Bruno Le Maire a estimé que le conflit ukrainien et ses répercussions amorçaient le début d'un «monde nouveau», marqué par une explosion des prix de l'énergie, qu'il s'agisse du gaz ou du pétrole, en raison des sanctions occidentales contre les hydrocarbures russes.
Alors que les cours de ces énergies atteignent des sommets et menacent le pouvoir d'achat des Français, le ministre de l'Economie leur a livré sa solution : «Nous devrons tous faire un effort.» Selon Bruno Le Maire, la crise actuelle apporterait cependant «une bonne nouvelle» en donnant l'opportunité de bâtir «l'indépendance totale» de la France par rapport aux énergies fossiles.
L'alerte du ministre sur la consommation d'énergie des Français fait écho aux propos tenus par la directrice générale d'Engie. Catherine MacGregor a ainsi expliqué, dans une interview aux Echos le 6 mars, que les nouvelles sanctions envisagées par les pays occidentaux à l'encontre du secteur énergétique russe feraient entrer l'Europe dans un «scénario extrême». «Si nous ne recevions plus de gaz de Russie, il n'est pas inimaginable que les pouvoirs publics mettent en place des mesures de limitation de la demande», a déclaré la dirigeante, en évoquant la réduction temporaire de consommation de gaz par les industriels.
Un degré de chauffage en moins
«On pourrait aussi demander aux Français de baisser leur consommation, leur chauffage. Un degré en moins sur une durée de douze mois, cela représente 10 à 15 térawattheures de gaz économisé», a-t-elle avancé. Une alerte qu'elle a précisée sur France Inter le 7 mars : si la France n'est pas menacée de pénurie de gaz pour cet hiver 2022, stopper l'approvisionnement en gaz russe empêcherait de remplir les cuves pour l'année prochaine. «Nous n'aurions pas suffisamment de gaz au début de l'hiver prochain» dans ce cas, a averti Catherine MacGregor.
«Toutes les options sont sur la table», explique Bruno Le Maire à propos de nouvelles sanctions
L'inquiétude autour des impacts énergétiques du conflit ukrainien est très forte alors que les Etats-Unis et l'UE discutent «très activement», selon les mots d'Anthony Blinken, d'un embargo sur le secteur énergétique russe. La présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi a confirmé que le Congrès étudiait un projet de loi visant à isoler davantage la Russie de l'économie mondiale, notamment en interdisant l'importation de son pétrole et de ses produits énergétiques aux Etats-Unis.
«Toutes les options sont sur la table», a confirmé Bruno Le Maire à propos de la nouvelle batterie de sanctions contre la Russie, qui pourrait être adoptée à l'occasion du sommet européen prévu à Versailles les 10 et 11 mars. Cependant, les Européens sont plus mesurés que les Etats-Unis dans ce dossier : «Certains pays sont plus dépendants du gaz que d'autres», a concédé le ministre de l'Economie : c'est notamment le cas de l'Allemagne, qui importe de Russie 55% de son gaz et 42% de son pétrole.
D'où la grande prudence de l'Allemagne dans ce dossier des nouvelles sanctions : «Il faut pouvoir tenir [les sanctions] sur la durée», a déclaré, le 6 mars, la chef de la diplomatie allemande, Annalena Baerbock. «Nous sommes prêts à payer un prix économique très très élevé», a-t-elle assuré, tout en mettant en mettant en cause l'efficacité de représailles énergétiques dures : «Si demain, en Allemagne ou en Europe, les lumières s'éteignent, ça ne va pas arrêter les chars», a-t-elle argumenté.
«Les Etats-Unis sont dans une situation très différente : ils n'importent pas un gramme de gaz de Russie [...] et sont beaucoup moins dépendants du pétrole russe que nous le sommes», a constaté Bruno Le Maire. Le ministre a précisé que Bercy envisageait tous les scénarios, à commencer par les sanctions qui pourraient être adoptées par la Russie en réponse aux mesures occidentales. Interrogé sur l'augmentation des prix à la pompe et ses lourdes répercussions sur le budget des Français, le ministre de l'Economie n'a pas exclu de nouvelles mesures pour amortir le choc. Le gel du prix du gaz, prévu jusqu'à juin, pourrait quant à lui être étendu jusqu'à la fin de l'année 2022. «Aucun pays européen aujourd'hui n'a fait autant que la France [...] pour protéger ses compatriotes contre l'augmentation des prix de l'énergie», a martelé Bruno Le Maire, évoquant une facture totale de 20 milliards d'euros pour les mesures déjà adoptées.