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Russie : la justice se penche sur la dissolution de deux entités de l'ONG Mémorial

Deux entités de l'ONG de défense des droits de l'homme Mémorial, classées en Russie parmi les «agents de l'étranger», sont accusées de manquer à leurs obligations relatives à ce statut. Partant, elles pourraient être dissoutes par la justice.

Memorial, une ONG qui entend perpétuer la mémoire des violations des droits de l'homme dans le passé et défendre ces droits aujourd'hui, fait l'objet d'examens de la justice russe, qui pourraient mener à la dissolution de certaines de ses branches.

Ainsi, ce 25 novembre, la Cour suprême a commencé à étudier la demande de dissolution, formulée par la Parquet général de Russie, de Memorial International – structure centrale de Memorial. Parallèlement, le tribunal de Moscou examine une demande similaire du parquet de la capitale, au sujet d'une autre entité de l'ONG : le Centre de défense des droits humains de Memorial. Une première audience préliminaire s'est tenue pour cet examen le 23 novembre, et une autre est prévue ce 29 novembre.

Les deux entités sont de façon similaire accusées de n'avoir pas respecté la loi sur les «agents de l'étranger». Le Centre de défense des droits humains de Memorial et Memorial International sont soumises à ce statut, respectivement depuis 2014 et 2016, pour avoir selon la justice russe reçu des fonds d'organisations étrangères.

Deux entités considérées comme des «agents de l'étranger»

En Russie, les entités ou individus considérés par la justice comme «agents de l'étranger» doivent, selon une loi de 2012, s'enregistrer auprès des autorités, effectuer des démarches administratives régulières et signaler clairement ce statut dans leurs publications, sous peine d'amendes ou d'interdictions. Une mesure visant, selon les parlementaires qui l'ont votée, à garantir pour les citoyens russes la transparence sur ces organisations. 

Dans le cas du Centre de défense des droits humains de Memorial : le Parquet ne l'accuse pas seulement d'avoir enfreint la loi sur les «agents de l'étranger», mais aussi d'avoir fait l'apologie d'«activités extrémistes et terroristes» en publiant une liste de détenus présentés comme des prisonniers politiques, parmi lesquels se trouvaient des membres d'organisations interdites en Russie.

La défense de Memorial dénonce «une farce»

Plusieurs cofondateurs de Memorial étaient présents à la première audience du procès de Memorial International, le 25 novembre. Parmi eux, Elena Jemkova a lancé, selon des propos rapportés par l'AFP : «Nous allons continuer à nous battre pour prouver qu'une organisation qui aide les gens depuis 30 ans ne peut pas être fermée pour des raisons techniques infondées.»

Les avocats de Memorial Internional ont assuré que l'écrasante majorité des publications de l'ONG comportaient bien la mention du statut d'«agent de l'étranger», au cœur des accusations. Ils affirment que seul un petit nombre de documents a pu passer entre les mailles du filet mais que l'ONG avait déjà payé d'importantes amendes pour ces infractions, selon des indications rapportées par l'agence de presse française.

Si nous débarquions de l'année 2000, nous aurions pu dire qu'il s'agit d'une farce [mais] c'est la réalité en 2021

En ce qui concerne le procès du Centre de défense des droits humains de Memorial, l'un des avocats de l'ONG, Ilia Novikov, a exprimé sa sidération quant aux accusations portées contre son client : «Si nous débarquions de l'année 2000, nous aurions pu dire qu'il s'agit d'une farce [mais] c'est la réalité en 2021», a-t-il déclaré le 23 novembre, jour de la première audience préliminaire.

Indignation occidentale

Si les deux procès ont à peine commencé, les Etats membres de l'Union européenne et le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits humains sont d'ores et déjà montés au créneau, appelant à l'arrêt des poursuites contre Memorial, comme le rapporte l'AFP. Une réactivité pouvant s'expliquer, en partie, par l'aura dont jouit l'ONG du fait de son histoire particulière : Memorial a en effet été créé en 1989 par des dissidents soviétiques, dont le prix Nobel de la Paix Andreï Sakharov.

Il convient également de relever que les chancelleries occidentales ont multiplié ces dernières années les prises de position sur des affaires judiciaires russes – des engagements que Moscou a pu considérer comme des prétextes très politiques, afin de le décrédibiliser.