«Il est [...] impossible d’ignorer le fait que les pays occidentaux utilisent la crise migratoire à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne comme un nouveau prétexte pour [créer des] tensions dans notre région voisine, pour exercer une pression sur Minsk», a accusé le président russe Vladimir Poutine ce 18 novembre, alors qu'il s'exprimait lors d'une assemblée du ministère des Affaires étrangères.
De fait l'actuelle crise migratoire à la frontière polono-biélorusse, où sont massés plusieurs milliers de migrants souhaitant pénétrer sur le territoire de l'Union européenne (UE), est source de vives tensions entre d'un côté la Pologne et l'UE, de l'autre la Biélorussie. Les migrants en question sont pour la plupart originaires du Moyen-Orient.
La Pologne accuse la Biélorussie – mais aussi la Russie – d'orchestrer cette vague migratoire à sa frontière, qu'elle qualifie d'«attaque». Les Européens affirment que le président biélorusse Alexandre Loukachenko alimente la crise en délivrant des visas à des migrants et en les acheminant à la frontière pour se venger des sanctions européennes.
Minsk a dénoncé des accusations «sans fondements» et considère que Varsovie et ses alliés occidentaux font monter délibérément la tension pour prendre de nouvelles sanctions à son encontre. La Russie, de son côté, a jugé «inacceptable» l'accusation polonaise à son sujet et se présente comme un médiateur entre l'UE et Minsk. Moscou s'est d'ailleurs récemment félicité de contacts «directs» entre les deux parties.
Moscou dénonce la gestion polonaise de la crise humanitaire
Lors de sa prise de parole du 18 novembre, Vladimir Poutine a également accusé les Occidentaux d'«oublie[r] leurs propres engagements dans le domaine humanitaire», dans le contexte de la crise à la frontière biélorusso-polonaise. En particulier, le président russe a pointé la gestion de la situation sur le terrain par les autorités polonaises : «Voyons comment les forces de sécurité polonaises se comportent aujourd’hui à la frontière. [...] Il y a des petits enfants… tout de même, ils leur projettent de l’eau, jettent des grenades lacrymogènes. Pendant la nuit, des hélicoptères volent le long de la frontière, ils mettent en marche des sirènes.» Selon le chef d'Etat russe, Varsovie s'était montrée plus sensible quant à l'emploi de la force étatique, lorsque celle-ci était mobilisée par l'ancien président ukrainien Viktor Ianoukovitch face à la révolution orange de Maïdan : «Je me souviens très bien de l’année 2014, lorsque les dirigeants polonais, essayant d’arrêter le recours [à la force] par les forces de l’ordre en Ukraine – Ianoukovitch était président à l’époque – ont affirmé qu’il était inadmissible d’utiliser de tels moyens contre la population civile. Mais eux-mêmes, que font-ils ?»
Le 16 novembre dernier déjà, alors que de violents affrontements avaient éclaté entre des migrants tentant de forcer le passage et les forces de l'ordre polonaises, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov avait dénoncé le comportement «inacceptable» de Varsovie dans cette crise : «Je pense que le gaz lacrymogène, les canons à eau, les tirs au-dessus des têtes des migrants en direction de la Biélorussie : tout cela reflète l’intention de cacher ses actions», avait-il en outre accusé.
Ce 18 novembre, la situation restait tendue à la frontière. Les forces de sécurité polonaises ont annoncé l'arrestation d'une centaine de migrants qui avaient tenté de franchir la frontière dans la nuit passée. Néanmoins, Minsk s'est dit prêt à rapatrier des migrants s'ils le souhaitaient et, ce 18 novembre, un avion a décollé de Minsk pour Bagdad avec à son bord quelque 400 d'entre eux.