De nouvelles crises migratoires sont à prévoir dans l'UE, d'après le chef de l'agence européenne des frontières (Frontex), Fabrice Leggeri, contacté par l'AFP.
«Ce n'est pas la première fois que l'UE se trouve confrontée à des tentatives de, appelons ça du chantage, du chantage géopolitique, appelons ça menace hybride», a-t-il déclaré en référence au problème rencontré à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie.
Il a comparé la situation actuelle aux affrontements observés en février 2020 lorsque la Grèce a tenté de bloquer des dizaines de milliers de migrants que la Turquie avait délibérément laissé passer.
«Ca doit ouvrir les yeux de tous ceux qui n'ont pas encore compris que les flux migratoires peuvent être instrumentalisés à des fins politiques, contre l'Union européenne, pour obtenir quelque chose dans ce marchandage», a-t-il souligné. «Nous devons nous préparer à des situations comme ça qui peuvent finalement survenir assez rapidement», a-t-il prévenu, s'exprimant au siège de Frontex, à Varsovie.
Créée en 2004, Frontex, qui a vu ses compétences largement étendues en 2016, contrôle les frontières extérieures de l'UE. Il s'agit de la première agence européenne dont les membres, garde-frontières et garde-côtes, disposent d'un uniforme propre. Ses effectifs doivent atteindre 10 000 hommes d'ici 2027, contre 2 200 aujourd'hui.
Frontex pas invitée par Varsovie sur sa frontière avec la Biélorussie
Bien qu'elle ne soit pas directement impliquée sur la frontière polono-biélorusse, n'y étant pas été invitée par Varsovie, elle compte une centaine de garde-frontières et 40 véhicules déployés à la frontière entre la Lituanie et la Biélorussie. Fabrice Leggeri a déclaré que Frontex travaillait avec les autorités polonaises et l'UE pour obtenir l'autorisation nécessaire de l'Irak, afin de mettre en place une série de vols charters en vue de rapatriements.
«On a potentiellement 1 500 ou 1 700 personnes à rapatrier dans les prochaines semaines», a-t-il indiqué. Quelques milliers de migrants se trouveraient actuellement à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie, dont un groupe d'environ 1 800 personnes près du poste frontière de Bruzgi-Kuznica.
L'UE accuse la Biélorussie d'avoir délibérément acheminé les migrants à cette frontière, en délivrant des visas et en affrétant des vols, pour se venger des sanctions imposées après l'élection controversée d'Alexandre Loukachenko en 2020, ce que Minsk dément. L'UE a par ailleurs fait savoir le 15 novembre qu'elle entendait prendre «dans les prochains jours» des sanctions contre l'Etat biélorusse. De son côté, Minsk pointe du doigt une instrumentalisation par Varsovie, «prétexte» à de nouvelles sanctions.
Selon Fabrice Leggeri, la Pologne a déployé 25 000 soldats et garde-frontières dans la région, ainsi que des milliers de policiers.
Le futur mur de la Pologne, bien accueilli par Frontex
La Pologne a annoncé qu'elle commencerait à construire une barrière permanente le long de la frontière avec la Biélorussie le mois prochain – un projet qui, selon Fabrice Leggeri, aiderait le travail des garde-frontières car il réduirait le nombre de passages irréguliers et donc de retours controversés.
«Au moins, on n'est pas accusé de push-back [refoulement] parce qu'on sait où est la frontière et on ne se trouve pas dans une situation ambigüe», a-t-il expliqué, ajoutant qu'il y a «un élément [...] très gênant dans le travail des garde-frontières, c'est lorsqu'il y a des ambigüités juridiques».
La Pologne a été critiquée par des ONG pour sa politique de refoulement, qui consiste à reconduire les migrants interpellés à la frontière et les pousser à retourner à la Biélorussie. Une politique qui dans les faits a abouti à laisser de nombreux migrants bloqués entre les deux pays, dans des conditions difficiles et dans le froid.
L'agence Frontex avait elle-même été critiquée par des associations pour ne pas être intervenue contre des refoulements présumés de migrants à la frontière maritime gréco-turque.