Dans la soirée du 17 novembre, des médecins ont affirmé que l'ex-président géorgien Mikheïl Saakachvili était dans un état critique et ne recevait pas les soins appropriés. Incarcéré depuis son retour d'exil début octobre, il est en grève de la faim depuis plusieurs semaines.
L'état de santé actuel du patient est considéré comme critique
«L'état de santé actuel du patient est considéré comme critique», a indiqué dans un communiqué le groupe de médecins constitué par le défenseur des droits géorgien, ajoutant que l'hôpital pénitentiaire où est soigné l'ancien président ne peut pas répondre à ses besoins médicaux.
Les médecins ont demandé le transfert immédiat de Mikheïl Saakachvili dans une unité de soins intensifs d'un établissement hospitalier civil mieux équipé.
Mikheïl Saakachvili refuse de s'alimenter depuis 48 jours pour protester contre son incarcération le 1er octobre, peu après son retour d'exil d'Ukraine. Il a été transféré il y a une semaine dans un hôpital pénitentiaire en raison de la détérioration de son état de santé. Cependant, en dépit des avertissements de médecins jugeant que sa vie était en danger, le gouvernement géorgien a refusé jusqu'à présent son transfert de l'hôpital-prison où il se trouve vers un établissement civil.
Tbilissi rétorque que Saakachvili n'est pas «privé de l'assistance médicale» dont il a besoin
Le 16 novembre, le ministre géorgien de la Justice Rati Bregadze a rétorqué que l'établissement où Mikheïl Saakachvili se trouve désormais possédait «tous les équipements nécessaires pour contrôler l'état de santé du prisonnier». «A aucun moment Saakachvili n'a été privé de l'assistance médicale dont il avait besoin», a-t-il déclaré.
Agé de 53 ans, l'ancien dirigeant avait confié avoir été maltraité par ses gardiens en prison et affirmé craindre pour sa vie. Des organisations de défense des droits de l'homme ont condamné le traitement réservé à Mikheïl Saakachvili, estimant qu'il s'agissait d'une vengeance à caractère politique.
Plusieurs députés de l'opposition ont également observé une grève de la faim, demandant des soins médicaux appropriés pour Mikheïl Saakachvili. Une exigence également formulée par les Etats-Unis et la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).
Saisie selon une procédure d'urgence, elle a demandé le 10 novembre au gouvernement géorgien qu'il «assure la sécurité en prison» de l'ex-chef de l'Etat, qu'il lui administre «les soins médicaux appropriés» et qu'il la renseigne sur son état de santé. La CEDH a également appelé Mikheïl Saakachvili à mettre fin à sa grève de la faim.
Mikheïl Saakachvili demande son transfert vers une «clinique high-tech»
Le 11 novembre, l'ex-président a annoncé qu'il accepterait de mettre fin à sa grève de la faim s'il était transféré vers une «clinique high-tech» civile. Deux jours auparavant, le 9 novembre, des dizaines de milliers de personnes avaient manifesté à Tbilissi pour demander la libération de l'ancien chef d'Etat et l'organisation d'élections anticipées.
L'arrestation de Mikheïl Saakachvili a exacerbé une crise politique consécutive aux élections législatives en 2020, remportées de justesse par le parti du Rêve géorgien actuellement au pouvoir, et que l'opposition a considéré comme frauduleuses. Le Premier ministre Irakli Garibachvili a fait scandale en déclarant que Mikheïl Saakachvili «avait le droit de se suicider» et que le gouvernement avait été obligé de l'arrêter parce qu'il avait refusé de renoncer à la politique.
Président pro-occidental de 2004 à 2013 et maintenant considéré comme le chef de l'opposition, Mikheïl Saakachvili était retourné le 1er octobre en Géorgie après un exil de huit ans. Immédiatement arrêté, il a été emprisonné en application d'une condamnation pour «abus de pouvoir», qu'il juge purement politique.
Le parcours chaotique de Mikheïl Saakachvili
Le parcours de Mikheïl Saakachvili est pour le moins chaotique depuis 15 ans. En 2004, il accède au pouvoir en Géorgie après avoir été un des acteurs de la révolution des Roses, l'une des révolutions de couleur ayant eu lieu dans des pays de l'ancienne URSS et qui a conduit à la démission du président Edouard Chevardnadze, ancien ministre soviétique des Affaires étrangères. Au cours de son mandat, Mikheïl Saakachvili tisse des liens avec les centres de pouvoir occidentaux, mais aussi avec des personnalités politico-médiatiques comme Raphaël Glucksmann, qui sera son conseiller de 2009 à 2013.
Le dirigeant fait ainsi de l'adhésion de la Géorgie à l'Union européenne et à l'OTAN sa priorité : si, au bout du compte, il ne s'agira que d'un simple rapprochement, Mikheïl Saakachvili place clairement Tbilissi dans les sphères d'influences de Bruxelles et Washington. Fort de leur soutien, l'homme se lance en 2008 dans une aventure militaire contre les républiques d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud (qui s'étaient prononcées pour la sécession avec la Géorgie), où il subit un important revers à la suite d'une intervention militaire russe. Cinq ans plus tard en 2013, il perd l'élection présidentielle géorgienne et se voit contraint à l'exil afin d'échapper à des poursuites judiciaires, notamment pour «abus de pouvoir». Il choisit alors de se réfugier aux Etats-Unis. Après le coup d'Etat de Maïdan en Ukraine en 2014, le nouveau chef d'Etat Petro Porochenko le propulse sur le devant de la scène politique de son pays, lui offrant la nationalité ukrainienne afin qu'il puisse devenir gouverneur de la région d'Odessa. Mikheil Saakachvili donne toutefois une orientation quelque peu surprenante à sa carrière, en s'opposant farouchement à Petro Porochenko qu'il accuse de corruption. Le président ukrainien se retourne alors contre lui et le déchoit de sa nationalité ukrainienne en juillet 2017.
S'ensuivent plusieurs épisodes tragicomiques pour l'ancien président devenu apatride (il ne dispose plus de la nationalité géorgienne qu'il avait été obligé d'abandonner, la Géorgie n'acceptant pas la double nationalité), dont l'épilogue est son expulsion vers la Pologne le 12 février 2018 après son arrestation lors d'une spectaculaire opération commando. L'élection de Volodymyr Zelensky rabat une nouvelle fois les cartes pour Mikheïl Saakachvili. Le nouveau président ukrainien a en effet amendé le décret de son prédécesseur en retirant Mikheïl Saakachvili de la liste des personnes privées de leur nationalité ukrainienne. Il est, enfin, nommé le 7 mai 2020 au Conseil national des réformes ukrainien. Mikheïl Saakachvili «aidera à mettre en œuvre des changements importants dans la vie du pays», avait fait savoir le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans un communiqué.