Le parcours politique de Mikheïl Saakachvili, ancien président géorgien et ancien gouverneur de la région d'Odessa en Ukraine, est assurément digne d'un roman. Si l'intrigue semblait à l'arrêt depuis que le président Volodymyr Zelensky lui a rendu sa citoyenneté ukrainienne il y a un peu moins d'un an (dont il avait été déchu), un nouveau chapitre s'est ouvert dans sa carrière mouvementée.
Mikheïl Saakachvili a en effet été nommé le 7 mai au Conseil national des réformes ukrainien, comme l'a annoncé Kiev. Mikheïl Saakachvili «aidera à mettre en œuvre des changements importants dans la vie du pays», a fait savoir le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans un communiqué, sans plus de précisions. Créé en 2014 par un décret présidentiel du chef d'Etat d'alors, Petro Porochenko, le Conseil national des réformes est un organe consultatif spécial dirigé par le président ukrainien, et sa mission est la planification stratégique et la coordination des politiques de réforme en Ukraine, autant que leur mise en œuvre.
Le parcours chaotique de Mikheïl Saakachvili
Ce retour aux affaires constituerait donc un énième rebondissement pour Mikheïl Saakachvili dont le parcours est pour le moins chaotique depuis 15 ans. En 2004, il accède au pouvoir en Géorgie après avoir été un des acteurs de la révolution des Roses, l'une des révolutions de couleur ayant eu lieu dans l'ancienne URSS et qui a conduit à la démission du président Edouard Chevardnadze, ancien ministre soviétique des Affaires étrangères. Au cours de son mandat, Mikheïl Saakachvili tisse des liens avec les centres de pouvoir occidentaux, mais aussi avec des personnalités politico-médiatiques telles que Bernard Kouchner, Bernard-Henri Lévy, ou plus tard Raphaël Glucksmann (qui sera son conseiller de 2009 à 2013).
Le dirigeant fait ainsi de l'adhésion de la Géorgie à l'Union européenne et à l'OTAN sa priorité : si, au bout du compte, il ne s'agira que d'un simple rapprochement, Mikheïl Saakachvili place clairement Tbilissi dans les sphères d'influences de Bruxelles et Washington. Fort de leur soutien, Mikheïl Saakachvili se lance en 2008 dans une aventure militaire contre les républiques d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud (qui s'était prononcée par référendum à plus de 90% des voix pour la sécession d'avec la Géorgie), où il subit un important revers lors d'une intervention militaire russe. Cinq ans plus tard en 2013, il perd l'élection présidentielle géorgienne et se voit contraint à l'exil afin d'échapper à des poursuites judiciaires, notamment pour «abus de pouvoir». Il choisit alors de se réfugier aux Etats-Unis.
C'est de là qu'il assiste en 2014 à la révolution du Maïdan en Ukraine qui porte au pouvoir Petro Porochenko, avec la bénédiction du Département d'Etat américain et de l'Union européenne. Porochenko le propulse sur le devant de la scène politique ukrainienne, lui offrant la nationalité ukrainienne afin qu'il puisse devenir le gouverneur de la région d'Odessa. Emmenant dans ses bagages son ancien vice-ministre de l'Intérieur Eka Zgouladze – qui se trouve être l'ancienne épouse de Raphaël Glucksmann – Mikheïl Saakachvili s’attèle à la réforme de la police ukrainienne.
Cependant l'homme de paille de Washington donne une orientation quelque peu surprenante à sa carrière, en s'opposant farouchement à Petro Porochenko qu'il accuse de corruption. Le président ukrainien se retourne alors contre lui et le déchoit de sa nationalité ukrainienne en juillet 2017. S'ensuivent plusieurs épisodes tragicomiques pour l'ancien président devenu apatride (il ne dispose plus de la nationalité géorgienne qu'il avait été obligé d'abandonner, la Georgie n'acceptant pas la bi-nationalité), dont l'épilogue est son expulsion vers la Pologne le 12 février 2018 après son arrestation lors d'une spectaculaire opération commando.
Or l'élection de Volodymyr Zelensky a une nouvelle fois rebattu les cartes pour Mikheïl Saakachvili. Le nouveau président ukrainien a en effet amendé le décret de son prédécesseur en retirant Mikheïl Saakachvili de la liste des personnes privées de leur nationalité ukrainienne, et s'apprête donc à le relancer dans le jeu politique ukrainien.