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Au Venezuela, le procureur de la CPI se penche sur des violations des droits de l'homme

En visite au Venezuela, le procureur de la CPI doit trancher sur le sort de deux enquêtes. La première concerne des crimes présumés contre l'humanité commis en 2017. La seconde concerne l'impact des sanctions américaines sur le peuple vénézuélien.

Le président du Venezuela, Nicolas Maduro, a reçu le 1er novembre le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), le Britannique Karim Khan, pour un entretien privé au palais présidentiel de Miraflores à Caracas. Ce voyage du procureur s'inscrit dans le cadre d'une tournée en Amérique latine visant à intensifier les relations directes avec la région. Au Venezuela, il a annoncé qu'il s'entretiendrait avec les autorités de l'Etat, les représentants du pouvoir judiciaire, du corps diplomatique, de la société civile et des organisations non gouvernementales.

Durant son séjour de trois jours, Karim Khan devait se pencher sur deux dossiers ayant trait à des violations des droits de l'homme à la portée politique contrastée : le premier concerne l'enquête préliminaire pour crimes présumés contre l'humanité ouverte par la CPI en 2018 après les violences et la répression qui avaient eu lieu lors de manifestations de l'opposition en 2017. Des manifestations qui ont dégénéré en émeutes ayant fait une centaine de morts et des milliers de blessés.

Les victimes de ces violences étaient à déplorer tant du côté de l'opposition que de celui des forces de l'ordre, des militants chavistes et des civils.

Le deuxième sujet sur lequel doit plancher la CPI concerne deux rapports déposés par le gouvernement vénézuélien en février 2020 et août 2021 visant à dénoncer de présumés crimes contre l'humanité perpétrés contre le peuple vénézuélien par l'effet des sanctions économiques imposées par les Etats-Unis depuis 2014. Les autorités vénézuéliennes souhaitent ainsi que la CPI ouvre une enquête sur cette question.

Les institutions de l'Etat vénézuélien font-elles le travail ?

Dans le cadre de l'enquête préliminaire autour des manifestations de 2017, Karim Khan doit estimer le degré de fonctionnement des institutions de l'Etat vénézuélien et notamment de la justice. La Gambienne Fatou Bensouda, qui lui avait précédé à la CPI, avait déclaré qu'il y avait une «base raisonnable» pour croire que des crimes contre l'humanité avaient été commis et évoqué «l'inaction» des autorités vénézuéliennes afin d'enquêter à ce sujet. Ces dernières reprochaient à l'ex-procureur une enquête préliminaire partiale ne tenant pas compte des cinq rapports contenant des données sur l'avancement des procédures pénales présentés par l'administration vénézuélienne.

La justice vénézuélienne a récemment condamné à de lourdes peines au moins un policier et un militaire jugés responsables la mort de manifestants. Mais pour l'opposition et certains médias comme El Pais, ces condamnations n'ont été prononcées que pour donner des gages à la CPI. Des familles de jeunes décédés pendant les manifestations anti-pouvoir de 2017 ont par ailleurs demandé le 2 novembre une audience au procureur Karim Khan.

Pour rappel, le gouvernement vénézuélien avait reconnu et dénoncé dès juin 2017 des «atrocités» commises par des membres de la garde nationale. «Celui qui ne respecte pas la ligne de l'Etat, l'importance suprême des droits de l'homme, [...] et qui ne se comporte pas en professionnel devra en assumer les responsabilités», avait déclaré Vladimir Padrino, alors ministre de la Défense du pays. Des enquêtes avaient été ouvertes au lendemain des violences et des responsables présumés de ces crimes avaient été rapidement déférés devant la justice.

Les sanctions, un crime contre l'humanité ?

C'est désormais à Karim Khan de décider s'il faut demander aux juges de la CPI d'ouvrir une enquête complète sur l'affaire de 2017. Celle-ci pourrait conduire à des inculpations de responsables liés à la répression. Quant à la deuxième thématique portée par le gouvernement vénézuélien, l'impact des sanctions économiques sur le peuple vénézuélien, le procureur de la CPI doit également se prononcer sur la pertinence d'ouvrir une telle enquête après les rapports du gouvernement et ses observations sur place, auprès de la population. En février déjà, Alena Douhan, rapporteur spécial de l'ONU sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l'exercice des droits de l'homme, avait estimé que «les sanctions unilatérales contre le Venezuela [affectaient] considérablement les droits du peuple vénézuélien».

La CPI, basée à La Haye, mène des enquêtes et, le cas échéant, juge les personnes accusées des crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale : génocide, crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crime d’agression, lorsque les tribunaux nationaux ne peuvent ou ne veulent s'en charger. Le Venezuela, qui a ratifié le Statut de Rome, traité international à la source de la création de la CPI, s'est félicité du déplacement de Karim Khan et a exprimé son désir de coopération avec la Cour.

Meriem Laribi