«Vous vous êtes fait berner» : Kémi Séba fustige la tenue du sommet Afrique-France
Pour l'activiste Kémi Séba, le sommet Afrique-France tient davantage de l'opération de communication que d'un changement dans «l'oligarchie française», toujours désireuse de dominer l'Afrique. Désormais en cooptant la société civile.
«"C'est bon [Emmanuel] Macron nous a écoutés, il a dit qu'il va changer". Vous en êtes encore là au 21e siècle ?» : le militant panafricaniste Kémi Séba a livré une analyse sans concessions du sommet France-Afrique qui s'est tenu à Montpellier du 7 au 9 octobre, expliquant qu'il n'y voyait qu'une stratégie d'Emmanuel Macron et de «l'oligarchie française» pour asseoir leur domination sur le continent africain.
«A la fin de la discussion qu'est-ce qui a été dit ? "Je vous ai compris, on va essayer de faire mieux, on repart sur de nouvelles bases". L'agenda du néolibéralisme français qui est de maintenir son rapport avec l'Afrique, maintenir son rapport de domination, est parfaitement rempli. A la fin de la journée, il vous a entendu vous plaindre, mais au regard de l'histoire, vous aurez participé à un sommet qui veut la reformulation de la Françafrique», a déploré Kémi Séba dans un vidéo diffusée sur son compte Facebook le 9 octobre.
Pour le militant panafricaniste, la rencontre avait en effet avant tout une vocation de communication, sans chercher à provoquer de véritables changements en profondeur : «Croyez bien que les multinationales ne vont pas changer, que le pillage des matières premières ne va pas changer, que l'Eco [monnaie à parité fixe avec l'Euro, qui est appelée à devenir la monnaie unique des Etats de la Cédéao en remplacement du franc CFA] ne va pas changer parce que ça bénéficie aux entreprises françaises.»
Vous vous êtes faits berner. [...] Vous avez simplement fait partie du décor et vous n'avez en aucun cas été des acteurs
Au-delà de cet effet de manche, ce sommet sans dirigeants africains mais où les participants venaient de la société civile avait également pour but, selon Kémi Séba, d'entériner une nouvelle approche de «l'oligarchie française» vis-à-vis de l'Afrique. «La Françafrique au 21e siècle ne sera pas la Françafrique des papas dictateurs avec l'oligarchie française, la Françafrique au 21e siècle sera dans une dynamique néolibérale globalisée, sera – un peu similaire avec ce qui se fait avec George Soros – l'accointance de l'oligarchie française avec les sociétés civiles africaines, qui seront cooptées», a-t-il ainsi poursuivi.
«Vous vous êtes fait berner. [...] Vous avez simplement fait partie du décor et vous n'avez en aucun cas été des acteurs», a conclu l'activiste à l'attention des participants, mus selon lui par une volonté de reconnaissance de la part des autorités françaises.
Et à ceux qui interprètent la virulence de ses critiques comme une réaction à l'absence de son mouvement à l'événement, Kémi Séba de dégainer : «Si on voulait participer à un sommet torchon comme ça, ça fait longtemps qu'on l'aurait dit. Avec l'audience qu'on a, on aurait été audibles depuis longtemps. Mais moi je ne parle pas avec quelqu'un qui bat ma mère [l'Afrique] pendant tant d'années [...], qui la viole, la pille, la dépouille. Et qui ne doit son pouvoir qu'à la manière dont il a dépouillé la terre-mère.»
L'Arena de Montpellier a accueilli 3 000 invités pour ce sommet Afrique-France, où se sont succédé des tables rondes et des rencontres entre membres des sociétés civiles africaine et française ainsi que de la diaspora. Quatre ans après le discours de Ouagadougou d'Emmanuel Macron, l'Elysée a soutenu que l'objectif de l'événement était «d'écouter la parole de la jeunesse africaine» et de «sortir des formules et réseaux obsolètes», vantant son format «inédit», puisqu'aucun chef d'Etat africain n'était invité.