Londres a annoncé le 21 septembre qu'un citoyen russe qui s'était rendu au Royaume-Uni sous le nom de Sergueï Fedotov avait été inculpé dans le cadre de la rocambolesque affaire Skripal. Les autorités britanniques l'accusent en effet, aux côtés de deux autres ressortissants russes, Alexandre Petrov et Rouslan Bochirov, d'être responsable de l'empoisonnement présumé de l'ex-agent double Sergueï Skripal en 2018 à Salisbury. Depuis le début de cette affaire aux conséquences diplomatiques majeures, Moscou ne cesse de dénoncer une «provocation» et de pointer du doigt l'absence de preuves de la version défendue par les autorités britanniques.
Prenant la parole après l'annonce britannique ce 21 septembre devant le Parlement, Priti Patel, secrétaire d'Etat britannique à l'Intérieur, a durci le ton, affirmant que le gouvernement se montrerait «impitoyable» pour mettre la main sur les trois individus suspectés. «Si l'un de ces individus venait à voyager hors de Russie, nous travaillerions avec nos partenaires internationaux et prendrions toutes les mesures possibles pour l'arrêter et l'extrader», a-t-elle poursuivi.
Nouvelle offensive diplomatique de Londres ?
Le timing de ces nouvelles annonces fait s'interroger Moscou, alors qu'une rencontre entre les ministres des Affaires étrangères des deux pays doit avoir lieu prochainement, en marge de l'Assemblée générale de l'ONU. «La tentative de présenter des informations sur l’arrivée et le départ d’une certaine personne du territoire britannique certains jours de mars 2018 comme une "circonstance nouvellement découverte" semble tout à fait ridicule», a ainsi souligné l'ambassade russe au Royaume-Uni le 21 septembre.
«Les dirigeants du Royaume-Uni continuent d’utiliser l’affaire Skripal comme un outil de pression sur notre pays, en réactivant les sentiments antirusses dans la société britannique et en construisant tout ce concept russophobe qui est ensuite transféré aux médias britanniques», a pour sa part analysé Maria Zakharova, porte-parole de la diplomatie russe, lors d'une conférence de presse.
La porte-parole a par ailleurs rappelé la volonté russe de coopérer à une «enquête professionnelle, objective et impartiale sur cet incident». Mais la demande d'enquête conjointe émise dès le début de l'affaire Skripal par Moscou est toujours restée lettre morte.
«Nous voulons vraiment établir la vérité sur ce qui s’est passé, et nous continuerons à exiger des autorités britanniques [de fournir] des informations officielles complètes, ainsi que de respecter leurs obligations juridiques internationales en ce qui concerne l’accès consulaire à nos concitoyens», a encore affirmé Maria Zakharova.
Une affaire entourée de mystère
Les circonstances entourant l'empoisonnement présumé de l'ancien agent double russe Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia restent à ce jour entourées de mystère.
Le 4 mars 2018, Sergueï et Ioulia Skripal avaient été retrouvés inconscients sur un banc, en centre-ville de Salisbury, dans le sud du Royaume-Uni, puis hospitalisés dans un état grave. Londres avait accusé Moscou d'être derrière cette affaire, et évoquait un empoisonnement au Novitchok, puissant agent innervant – en règle générale mortel – de conception soviétique, mais dont la formule est connue de plusieurs pays. Un mandat d'arrêt avait été lancé dans la foulée contre deux Russes soupçonnés d'avoir perpétré l'attaque et présentés par Londres comme relevant du renseignement militaire russe (GRU).
La Russie a toujours nié être liée à cette affaire, qui n'en a pas moins provoqué une crise diplomatique majeure, conduisant à l'expulsion de plus de 300 diplomates russes ou occidentaux. Sergueï Skripal et sa fille sont sortis de l'hôpital dans les mois ayant suivi leur empoisonnement présumé avec cette substance mortelle, mais ont été gardés au secret par les autorités britanniques.
Vladimir Poutine avait lui même commenté le cas Skripal, avec des mots particulièrement durs à l'encontre de l'ex-agent double, présenté selon lui par certains journalistes comme «un défenseur des droits de l'Homme».
«C'est simplement un espion. Ce Skripal n'est qu'un traître. Il a été pris et puni, il a passé cinq ans en prison. Nous l'avons libéré, il est parti [en Grande-Bretagne] et a continué de collaborer avec des services secrets et de les conseiller», avait lancé le président russe lors d'une conférence de presse en octobre 2018, qualifiant Sergueï Skripal d'«ordure».
En septembre de la même année, Vladimir Poutine avait fait savoir que les deux suspects pointés du doigt par Londres étaient des civils, et non pas des agents du renseignement russe comme l'affirmaient les autorités britanniques.