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Erdogan demande le retrait de la loi «séparatisme», y voyant un «coup de guillotine» à la démocratie

Le président turc s'est invité dans le débat politique français, critiquant le projet de loi contre le «séparatisme». La relation entre la France et la Turquie est souvent houleuse, et les passes d'armes fréquentes entre les dirigeants des deux pays.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a appelé le 12 mai au soir au retrait du projet de loi sur le «séparatisme» en France, estimant qu'il pourrait générer des «troubles au sein de la communauté turque». 

C'est lors d'un discours à Ankara que le chef de l'Etat turc s'est exprimé sur l'actualité politique française, estimant notamment : «L'adoption de cette loi qui est ouvertement en contradiction avec les droits de l'homme, la liberté de religion et les valeurs européennes sera un coup de guillotine infligé à la démocratie française.»

Estimant que la version actuelle du projet de loi «servirait l'extrémisme», le dirigeant turc a encore affirmé : «Il est évident qu'un tel projet de loi provoquera des troubles au sein de la communauté turque et des millions de musulmans.» Avant d'en appeler directement à son homologue : «Nous appelons les autorités françaises, en premier lieu le président Macron, à agir avec bon sens. Nous attendons un retrait au plus vite de ce projet de loi.»

Le président turc s'est en revanche déclaré prêt à «travailler avec la France» dans les domaines de la lutte antiterroriste et de «l'intégration». 

Le «Projet de loi confortant le respect des principes de la République» fait l'objet de vives discussions en France. Le 12 mai, les députés et sénateurs réunis en commission mixte paritaire ne sont pas parvenus à se mettre d'accord sur son contenu, sur lequel l'Assemblée nationale aura le dernier mot.

En avril en première lecture, le Sénat dominé par l'opposition de droite avait adopté en première lecture ce projet de loi mais après l'avoir nettement durci, avec des mesures contre le port du voile pour les accompagnateurs de sorties scolaires ou renforçant la «neutralité» à l'université. 

Passes d'armes à répétition

Recep Tayyip Erdogan et Emmanuel Macron sont des habitués des passes d'armes et les points de divergences entre la Turquie et la France, pourtant alliées au sein de l'OTAN, sont nombreux. Parmi ceux-ci, on peut entre autres citer le dossier libyen et la gestion de la crise migratoire, la Syrie, les tensions militaires en Méditerranée orientale ou encore l'offensive de Paris contre l'influence turque sur l'islam en France.

Le débat sur ce dernier sujet avait récemment été relancé par une subvention (finalement abandonnée) de 2,5 millions d'euros accordée par la municipalité de Strasbourg à la Confédération islamique Millî Görüs pour financer la construction d'une mosquée. Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin avait alors dénoncé «des tentatives d'ingérence extrêmement fortes [...] de la part, notamment, de la Turquie», même si la proximité de cette association religieuse avec le pouvoir turc ne fait pas l'unanimité chez les observateurs.

En mars, Emmanuel Macron avait lui aussi évoqué de probables «tentatives d'ingérence» émanant de Turquie pour la prochaine élection, une remarque qui était particulièrement mal passée du côté d'Ankara.

En janvier, c'est l'adoption par le Conseil français du culte musulman de la «Charte des principes de l'islam de France» qui avait suscité l'ire du président turc, le poussant à accuser son homologue français d'être antimusulman.

En octobre dernier, Erdogan avait par ailleurs mis en cause la «santé mentale» d'Emmanuel Macron, l'accusant de mener une «campagne de haine» contre l'islam. Le dirigeant turc faisait référence au discours du président français sur le «séparatisme» islamiste en France, mais aussi à sa défense du droit à la caricature de Mahomet, après la décapitation en France du professeur Samuel Paty par un terroriste islamiste.