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Des scientifiques ont réussi à créer des embryons chimères homme-singe

Deux équipes – une sino-américaine et une française – ont introduit des cellules humaines dans des embryons de singe qui ont vécu de 3 à 19 jours. Une technique ayant pour objectif de créer des organes humains, et qui soulève des questions éthiques.

Deux études, l'une menée par une équipe sino-américaine et publiée le 15 avril dans la revue Cell, l'autre menée par une équipe française et publiée le 12 janvier, indiquent qu'elles sont parvenues à créer des embryons chimères singe-homme. Elles ont en effet introduit des cellules humaines dans des embryons de singe, qui ont ensuite été cultivés en laboratoire durant trois jours (pour l’équipe française) et jusqu'à dix-neuf jours (pour l’équipe sino-américaine). 

L'équipe sino-américaine a injecté vingt-cinq cellules humaines pouvant se différencier en n’importe quel tissu de l’organisme – sans pour autant être des cellules souches obtenues à partir d'embryons humains – dans 132 embryons de macaques âgés de six jours. Trois de ces embryons se sont développés pendant 19 jours à l’extérieur de l’utérus, après quoi les chercheurs ont mis fin à l’étude menée dans un laboratoire chinois. Les taux de cellules humaines intégrées dans les embryons de singe sont toutefois restés très faibles (de l'ordre de quelques pour cents) dans les deux cas, comme le précise Le Monde. 

Des chimères pour pallier le manque d'organes humains destinés à la transplantation

Une chimère est «une entité biologique fabriquée par l’homme, où l’on mélange volontairement deux types de cellules, porteurs de génomes différents», précise Pierre Savatier, chercheur à l’Inserm à Lyon, et qui a coordonné l’étude de l'équipe de l'Institut cellule souche et cerveau, la seule en France et en Europe à travailler sur le chimérisme.

L’objectif de ces travaux est de produire des organes humains dans des élevages animaux afin de les greffer sur des personnes malades et ainsi pallier la pénurie d’organes, mais aussi d'améliorer les technologies de procréation médicale assistée (PMA), comme le rappelait un collectif de chercheurs il y a un mois dans les colonnes du Monde.

En 2017, l’équipe de l'Espagnol Juan-Carlos Izpisua Belmonte – co-signataire de l'étude réalisée par l'équipe sino-américaine – avait déjà injecté des cellules souches humaines dans des embryons de porc. Ils avaient été cultivés durant vingt-huit jours. «L’objectif de Belmonte est clairement de trouver pourquoi il n’arrive pas à produire un pancréas humain chez le cochon, ce Graal de la médecine régénérative», indiquait alors au journal du soir Hervé Chneiweiss, président du Comité d’éthique de l’Inserm. 

Ces recherches n’ont pas vocation à faire tout et n’importe quoi

Ces travaux soulèvent cependant de nombreuses interrogations, tant du point de vue éthique que concernant les risques de cette méthode (tels que la potentielle transmission de maladies virales). «Ces recherches n’ont pas vocation à faire tout et n’importe quoi. Nous sommes très conscients de leurs enjeux biomédicaux, mais aussi éthiques», assure toutefois Pierre Savatier, dont les propos sont relayés par le quotidien. «Nous sommes tous d’accord pour interdire le paradigme inverse, qui consisterait à injecter des cellules animales dans un embryon humain», insiste le chercheur.

L’article 17 du projet de loi bioéthique français entend encadrer en France l'utilisation d'embryons chimères. Si l’Assemblée nationale veut autoriser l’adjonction de cellules humaines dans un embryon animal, le Sénat s’y oppose lui farouchement. La commission mixte paritaire a échoué en février à trouver un compromis, et le texte devrait revenir en juin à l’Assemblée nationale pour un vote définitif, rappelle Le Monde.