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Des pays occidentaux appellent à la libération immédiate de Navalny, Moscou dénonce une ingérence

Washington, Paris, Londres ou encore Berlin appellent à une «libération immédiate» d'Alexeï Navalny, après que la justice russe a révoqué le sursis d'une précédente condamnation de l'opposant russe dans une affaire de détournement de fonds.

Mercredi 3 février

Le tribunal Tverskoï de Moscou a reconnu ce 3 février Sergueï Smirnov, le rédacteur en chef du site Mediazona, coupable d'avoir violé à plusieurs reprises la loi sur l'organisation d'une manifestation. Le rédacteur en chef du site en ligne d'information, fondé par deux membres des Pussy Riot, a été condamné à 25 jours de prison. 

Selon l'AFP, Sergueï Smirnov avait relayé le mois dernier un tweet humoristique accompagné d'une photo, sur laquelle figuraient la date et l'heure d'une manifestation non-autorisée appelant à la libération d'Alexeï Navalny.

Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) a exprimé, dans un communiqué, sa «préoccupation» pour la «persécution infondée» de Sergueï Smirnov et a appelé à sa «libération immédiate».

Plus de 100 représentants des médias ont été blessés ou détenus lors de manifestations non autorisées en Russie les 23, 31 janvier et 2 février, selon l'Union russe des journalistes.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a regretté ce 3 février une couverture médiatique occidentale des manifestations pro-Navalny non autorisées en Russie et des interventions des opposants en Occident, marquée par «deux poids deux mesures». «En couvrant les événements qui se déroulent en Russie, on ne montre presque que la réaction de la police aux actes des manifestants, sans montrer ces actes-mêmes, alors qu’il est facile de s’assurer sur internet du caractère agressif des actes de ceux qui ont participé ces derniers jours aux manifestations illégales à Moscou et dans d’autres villes de Russie», a déclaré le chef de la diplomatie lors d'une conférence de presse.

Interrogée ce 3 février par la chaîne russe RBK TV au sujet des récents commentaires d'Emmanuel Macron sur la détention d'Alexeï Navalny, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Maria Zakharova s'est étonnée de «tweets et [de] déclarations presque identiques [...] publiés à la mitrailleuse» par les Occidentaux.

Remarquant que la réaction des différents ministères occidentaux des Affaires étrangères, et notamment allemand, était «similaire», la porte-parole a estimé qu'il s'agissait là «d’une démarche politique planifiée à l’avance.»

Plus de 1 050 personnes ont été interpellées lors de rassemblements pro-Navalny ce 2 févier en Russie, selon l'ONG OVD-Info. D'après la même source, l'essentiel des arrestations (865) ont eu lieu à Moscou, où des rassemblements non autorisés dispersés par la police se sont tenus dans la soirée après l'annonce de la condamnation d'Alexeï Navalny.

L'opposant Alexeï Navalny «est traité comme n'importe quel citoyen russe», analyse auprès de RT France Karine Bechet-Golovko, professeure invitée à l'Université d'Etat de Moscou.

Dans un message mis sur Twitter par son porte-parole Steffen Seibert, Angela Merkel a déclaré : «Le verdict contre Alexei Navalny est très éloigné des règles de l'Etat de droit. Navalny doit être libéré immédiatement. La violence contre des manifestants pacifiques doit cesser.»

Mardi 2 février

Notre reporter à Moscou Antoine Cléraux fait état d'une «présence policière très importante dans la capitale» russe ce soir du 2 février, alors que des alliés d'Alexeï Navalny ont appelé à manifester.

Le chef de la diplomatie de l'Union européenne Josep Borrell a lui réclamé la libération immédiate d'Alexei Navalny, tweetant : «La condamnation d'Alexei Navalny va à l'encontre des engagements internationaux de la Russie en matière d'Etat de droit et de libertés fondamentales. Je réclame sa libération immédiate.»

La porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a dénoncé les appels de plusieurs pays occidentaux à libérer Alexeï Navalny, déclarant notamment qu'ils étaient «déconnectés de la réalité».

Il n'y a aucune raison de s'ingérer dans les affaires d'un Etat souverain

«Il n'y a aucune raison de s'ingérer dans les affaires d'un Etat souverain. Nous recommandons que chacun s'occupe de ses propres problèmes», a encore déclaré Maria Zakharova, lors d'une interview au média RBK.

La commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Dunja Mijatovic, a jugé que la condamnation de l'opposant russe Alexeï Navalny était «contraire aux obligations internationales de la Russie en matière de droits de l'homme», défiait «toute crédibilité» et enfreignait «les obligations internationales de la Russie en matière de droits de l'Homme».

«[Alexeï Navalny] n'aurait pas dû être arrêté et jugé en premier lieu parce que la condamnation pénale qui a servi de base à la peine privative de liberté d'aujourd'hui avait déjà été considérée comme arbitraire et manifestement déraisonnable par la Cour européenne des droits de l'homme», a-t-elle fait valoir.

Le président de la République française Emmanuel Macron a twitté : «La condamnation d'Alexeï Navalny est inacceptable. Un désaccord politique n'est jamais un crime. Nous appelons à sa libération immédiate. Le respect des droits humains comme celui de la liberté démocratique ne sont pas négociables.»

Le chef d'Etat a posté le même message en langue russe.

L'Allemagne réclame à son tour la «libération immédiate» d'Alexeï Navalny, selon un ministre cité par l'AFP.

Après l'annonce de la décision de justice, l'organisation d'Alexeï Navalny, le Fonds de lutte contre la corruption, a appelé à une manifestation immédiate place du Manège, près du Kremlin. 

Washington a également appelé la Russie à libérer Alexeï Navalny «immédiatement et sans conditions».

«Tout en travaillant avec la Russie pour défendre les intérêts des Etats-Unis, nous allons nous coordonner étroitement avec nos alliés et partenaires afin que la Russie rende des comptes pour n'avoir pas respecté les droits de ses citoyens», a déclaré le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken dans un communiqué.

«Le Royaume-Uni appelle à la libération immédiate et sans conditions d'Alexeï Navalny et de tous les manifestants pacifiques et journalistes arrêtés ces deux dernières semaines», a déclaré le chef de la diplomatie britannique Dominic Raab dans un communiqué.

Le membre du gouvernement britannique a qualifié la décision de la justice russe de «perverse» et jugé qu'elle montrait que le pays ne remplissait pas les «engagements les plus élémentaires attendus de la part de tout membre responsable de la communauté internationale».

La justice russe a révoqué ce 2 février le sursis de la peine de trois ans et demi de prison prononcée en 2014 contre Alexeï Navalny, dans une affaire de détournement de fonds. L'opposant russe comparaissait devant un tribunal de Moscou, où il était jugé pour avoir violé à de multiples reprises en 2020 les conditions du contrôle judiciaire exigé par cette peine avec sursis. 

La juge Natalia Repnikova a indiqué qu'il devrait purger trois ans et demi de prison de sa peine prononcée en 2014, moins les mois qu'il avait passés assigné à résidence cette année-là. Soit, selon l'avocate d'Alexeï Navalny, Olga Mikhaïlova, environ deux ans et huit mois de prison. Il peut encore faire appel. 

L'opposant russe, interpellé puis incarcéré pour 30 jours lors de son retour en Russie le 17 janvier, ne s'était pas présenté à l'enregistrement auprès de l’inspection pénitentiaire à au moins six reprises au cours de l'année 2020 : le 13 janvier, le 27 janvier, le 3 février, le 16 mars, le 6 juillet et le 17 août.

Fin août, Alexeï Navalny avait été transféré dans le coma en Allemagne après avoir été victime d'un malaise en Russie. Il accuse le Kremlin d'avoir tenté de l'empoisonner (une version également défendue par plusieurs gouvernements, dont ceux de la France, des Etats-Unis et de l'Allemagne), ce que réfute Moscou. Il était sorti de l'hôpital sans séquelles.