Dans un entretien publié le 20 novembre par l’hebdomadaire Jeune Afrique, Emmanuel Macron a dénoncé la «stratégie» poursuivie, selon lui, par la Russie et la Turquie en Afrique. Enonçant de lourdes accusations, non accompagnées d'éléments probants, il a ainsi accusé ces deux puissances de chercher à alimenter un sentiment antifrançais en jouant «sur le ressentiment post-colonial».
«Il y a une stratégie à l'œuvre, menée parfois par des dirigeants africains, mais surtout par des puissances étrangères, comme la Russie ou la Turquie, qui jouent sur le ressentiment post-colonial. Il ne faut pas être naïf : beaucoup de ceux qui donnent de la voix, qui font des vidéos, qui sont présents dans les médias francophones sont stipendiés par la Russie ou la Turquie», a ainsi lancé le président français, accusant en d’autres termes Moscou et Ankara de financer des intervenants tenant un discours antifrançais à l'attention de citoyens africains.
La Russie responsable de la défiance des Africains envers leurs anciens colonisateurs ?
Alors que le président français a récemment fait part de sa volonté de mettre en place des «mécanismes de contournement» pour «encercler» la Russie et la Turquie, avec qui les relations sont particulièrement compliquées, ses allégations envers Moscou ne sortent pas de nulle part. Le 4 septembre 2018 déjà, un rapport présenté au ministère français des Armées, consacré aux «manipulations de l'information», s'inquiétait de voir s’imposer sur le territoire africain d’autres visions que celle de la France.
«Les travaux d’une équipe de recherche française ont révélé une propagation croissante des contenus russes à travers le web africain francophone», remarquaient les auteurs du texte, poursuivant : «Plusieurs signaux indiquent que l’Afrique pourrait être le prochain terrain de jeu de la "guerre informationnelle [russe]".»
Mais qu'était-il précisément reproché à la Russie ? Le rapport soulignait notamment «la grande popularité des discours anti-occidentaux propagés par les grands médias internationaux russes (RT et Sputnik) auprès des opinions publiques africaines qui considèrent souvent la Russie sous le prisme de son passé soviétique anticolonial». Et qui, parfois, considèrent l'Occident sous le prisme de son passé colonial.
Pour l’analyste de l’information Seidik Abba – interrogé en septembre 2018 par RT France – le succès croissant des médias non-occidentaux s’explique simplement, loin de tout complotisme : «Les Africains estiment que les Russes auront un regard plus objectif sur leur continent car il n’y a pas de contentieux politique […] La meilleure façon d’avoir des informations crédibles est d’avoir plusieurs sources.»
Macron souhaite une «histoire d'amour» entre la France et l'Afrique
Quant à la défiance qui peut exister à l’égard de l’ancienne puissance coloniale, Emmanuel Macron affirme dans ce long entretien vouloir y remédier. Il insiste sur la «relation équitable» et le «véritable partenariat» que la France cherche selon lui à mettre en œuvre avec le continent depuis son arrivée au pouvoir en 2017, avec la levée de tabous «mémoriels, économiques, culturels, entrepreneuriaux».
«Je pense qu'entre la France et l'Afrique, ce doit être une histoire d'amour», déclare Emmanuel Macron, estimant : «Nous ne devons pas être prisonniers de notre passé.»