Au cours d'un entretien accordé à la revue de géopolitique Le Grand Continent, publié le 16 novembre, le président de la République a dessiné les contours d'une nouvelle façon de mener la diplomatie française.
La revue – éditée par le Groupe d’études géopolitiques, une association domiciliée à l’Ecole normale supérieure – a posé à Emmanuel Macron une question en relation avec la diplomatie et le vaccin contre le Covid-19 : «Dans votre doctrine des relations internationales, on voit qu'il y a un principe d'association d'entités différentes – des Etats, des entreprises, des acteurs locaux, des associations. Etes-vous en train de disrupter [sic] le multilatéralisme des Etats pour le remplacer par quelque chose d'autre ? Et plus concrètement : pensez-vous que la question de la distribution du vaccin va porter cette doctrine ?»
Le chef d'Etat a alors répliqué : «La négociation qu'on est en train de mener avec les Etats et les entreprises est un très bon test de ce nouveau multilatéralisme. C’est l’idée du bien public mondial, en tout cas, d'avoir un accès mondial au vaccin. Cela veut dire qu'aucun des laboratoires qui développera le vaccin ne se mettra en situation de bloquer l'accès à d'autres laboratoires de production, y compris en surdose, pour les pays en voie de développement. Je ne sais pas si on va gagner cette bataille. Parce que très clairement je ne suis pas sûr que tous les pays aient envie de s'engager là-dedans.»
Il faut trouver des mécanismes de contournement pour les encercler
Et de préciser : «On verra si la Chine est prête [...], si la Russie est prête, si les Etats-Unis sont prêts avec la nouvelle administration – ce n'était pas sûr avec la précédente, enfin l'actuelle – et on verra ce que font les entreprises. Mais quoi qu'il arrive, ce que nous avons fait crée un cadre commun avec tous les acteurs importants autour de la table : un tiers de confiance qui est l'OMS, des mécanismes de coopération, une pression des pairs.
Le Conseil de sécurité de l'ONU vivement critiqué par Emmanuel Macron
Avant d'expliquer : «Et donc nous avons le maximum de chances pour que quand il y aura quelque chose, si l'un de ces acteurs se comporte mal, il aura beaucoup à perdre à mal se comporter. Mais c'est cela le nouveau multilatéralisme. Il faut bien le constater. L'état de fait est devenu la nouvelle doctrine pour beaucoup de pays : la Russie avec l'Ukraine ; la Turquie avec la Méditerranée orientale ou avec l'Azerbaïdjan. Ce sont des stratégies d'état de fait, qui signifient qu'ils n'ont plus peur d'une règle internationale. Donc il faut trouver des mécanismes de contournement pour les encercler.»
Dans cet entretien, le président français a également vivement critiqué le Conseil de sécurité de l’ONU, affirmant que cette instance ne produisait «plus de solutions utiles» et n'était n'est plus à même de répondre efficacement aux crises que traverse le monde. Un avis partagé par le président de l'Assemblée générale de l'ONU, qui souhaite le réformer. Selon Emmanuel Macron, qui défend un «nouveau multilatéralisme», il serait nécessaire de «chercher les voies d’une coopération utile» pour faire face aux crises majeures de 2020, que sont la pandémie et le terrorisme.