Le Jour de l'Unité nationale est célébré en Russie le 4 novembre depuis 2005, alors qu'il a été instauré en mémoire des événements de 1612, lorsque la ville de Moscou a été libérée des forces d'occupation polonaises et lituaniennes. L'occasion pour Vladimir Poutine d'aborder le sujet de relations interconfessionnelles qui enflamme le contexte socio-politique en Europe depuis plusieurs semaines.
Comme le veut la tradition de cette journée, le chef de l'Etat s'est entretenu avec les représentants des différentes confessions religieuses via une visioconférence, les mesures sanitaires anti-covid obligent. Lors de cette rencontre il a souligné que pour la Russie, un pays grand et vaste, «la paix entre les confessions et les ethnies est la clé de voûte». C'est un domaine qui nécessite une attention constante de la part des autorités, de la société civile et des médias, a expliqué le président. Selon lui, les actions dans ce domaine doivent être délicates et minutieuses.
«C’est ainsi que nous procédons, de manière délicate et constructive. Surtout que, d’après ce que l’on voit, dans un certain nombre de pays la situation est complexe. Nous voyons également à quoi mènent des actes commis par des provocateurs de toutes sortes qui se servent du droit à la liberté d'expression pour offenser les sentiments religieux, qui l’utilisent comme prétexte pour justifier la violence et l’intolérance,» a déclaré Vladimir Poutine faisant référence aux récents événements en France.
Selon lui, les problèmes complexes et «hautement sensibles» des relations interconfessionnelles font parfois l’objet de «spéculations et de jeux politiques malsains» où les «extrémistes et les radicaux tentent de parasiter incitant à la haine et à l'inimitié mutuelles». Le président russe a ainsi mis en garde contre le risque que ces actions aient pour effet les conflits qui finiront par s'accumuler dans la société comme «une boule de neige», selon l'expression du chef de l'Etat russe. C'est pourquoi la Russie, en tant que pays multiethnique et multiconfessionnel, doit tout mettre en œuvre pour éviter ce genre de dérives, explique-t-il.
De son côté, Ravil Gaïnoutdine, président de la direction spirituelle des musulmans de Russie, s'est réjoui de la situation dans le domaine religieux en Russie. Si le président russe n'a mentionné aucun pays nommément, c'est le grand mufti qui a osé la comparaison entre la Russie et la France. Selon lui la situation est «nettement meilleure» en Russie qu'en France car les musulmans russes ne sont pas «confrontés à des problèmes d’adaptation et d’intégration» dans la société puisqu'ils «font partie de la population autochtone, ils habitent depuis la nuit de temps sur les terres qui appartenaient à leurs ancêtres». «Nous remercions Dieu et le prions de nous offrir toujours à l'avenir la paix et l’harmonie dans notre Etat multiethnique et multireligieux», a-t-il ajouté lors de son échange avec Vladimir Poutine.
Selon le responsable religieux, «il n'y a pas de problèmes» non plus avec les prédicateurs islamiques et les imams dans les mosquées russes. «Ce ne sont pas des immigrés, mais nos compatriotes, ils aiment leur pays, ce sont de vrais patriotes du pays, ils savent rester amis avec leurs voisins, ils savent comment interagir avec les autres religions et mener le dialogue et la coopération au profit de tous nos peuples», a souligné le mufti.
Dotée d'une loi anti-blasphème, la Russie s'estime un exemple
Cela fait trente ans que la Russie réalise à sa propre manière le fameux principe de «vivre-ensemble». Depuis 2013 que l’offense au sentiment religieux des croyants est devenue répréhensible dans cet ancien pays communiste régi par l'athéisme d'Etat. Selon l'article 148 du code pénal russe relatif à la liberté de conscience et de religion, la loi prévoit la responsabilité pour les insultes des sentiments religieux et établit la responsabilité pénale pour toute «action publique manifestant un manque de respect flagrant envers la société et perpétrée avec l'intention d'offenser les sentiments religieux des croyants». Il est important de souligner que la sanction suppose l’intentionnalité de l’offense, et exclut les cas où elle a été commise de manière inconsciente.
Cette loi, considérée comme controversée à l'époque, a été adoptée à la suite de la «prière punk» des Pussy Riot dans la cathédrale du Christ-Sauveur de Moscou en 2012. Une performance qui avait valu à trois d'entre elles d’être condamnées à deux ans d'emprisonnement en camp de travail.
Selon les promoteurs de cette loi, qui a été décriée par l'Occident comme atteinte à la liberté d'expression, la Russie doit songer à protéger les sentiments religieux de ses concitoyens de par sa nature multiethnique et multiconfessionnel.
A cet égard, Vladimir Poutine a salué l'idée du président du Centre de coordination des musulmans du Caucase du Nord, Mufti de Karachay-Cherkessia Ismail Berdiev, de porter ce concept jusqu'à l'ONU en proposant à d'autres pays d'adopter des lois similaires pour protéger les sentiments des croyants dans leurs pays. «Nous devons y réfléchir. C’est vraiment une bonne proposition, je ne comprends pas qui pourrait être contre l’interdiction d’offenser les sentiments des croyants sous quelque forme que ce soit », a déclaré le président russe, cité par l'agence TASS, promettant de charger le ministère des Affaires étrangères de se concentrer sur cette question.