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L’Iran annonce la fin de l’embargo de l'ONU sur les armes malgré la résistance des Etats-Unis

En dépit de la farouche opposition de l'administration américaine, Téhéran a fait savoir que l'Iran considérait désormais l'embargo sur les armes mis en place par l'ONU comme expiré. «Un grand jour», selon la diplomatie iranienne.

«A partir d'aujourd'hui, toutes les restrictions sur les transferts d'armes, activités liées et services financiers à destination et en provenance de la République islamique d'Iran, ainsi que toutes les interdictions concernant l’entrée ou le transit de citoyens et responsables militaires iraniens dans les territoires d’Etats membres des Nations unies, sont toutes automatiquement levées.» Par ces mots, et dans un communiqué de presse diffusé le 18 octobre 2020, le ministère iranien des Affaires étrangères a annoncé considérer que l’embargo de l’ONU visant la République islamique avait expiré, y compris concernant les armes.

Mis en place lors de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien (JCPoA pour Joint Comprehensive Plan of ActionPlan d’action global commun), cet embargo, qui expire en principe «au cinquième anniversaire de la date d’adoption du Plan d’action [JCPoA]», soit le 18 octobre 2020, empêchait principalement la vente d’armes et de matériel militaire lourd à l’Iran en vertu de la résolution 2231 adoptée le 20 juillet 2015 à l’unanimité par le Conseil de sécurité. Le ministère iranien met en lumière dans le document «un grand jour pour la communauté internationale qui, au mépris des efforts du régime américain, a protégé la résolution 2231 du Conseil de sécurité, ainsi que le JCPoA».

L'Iran accuse les Etats-Unis de déstabilisation régionale

En conséquence, la diplomatie iranienne précise dans son communiqué : «La République islamique d'Iran peut donc se procurer les armes et équipements nécessaires de n'importe quelle source sans aucune restriction légale et uniquement sur la base de ses besoins défensifs [et] peut également exporter des armements défensifs sur la base de ses propres politiques.»

Par ailleurs, le ministère fustige le comportement des Etats-Unis – qui avaient plusieurs fois tenté ces derniers mois, sans réussite, de faire prolonger l’embargo par le Conseil de sécurité – et les exhorte à «abandonner leur approche destructrice vis-à-vis de la résolution 2231», rappelant que les demandes américaines avaient été «catégoriquement rejetées» à plusieurs reprises lors des derniers mois et accusant les Etats-Unis de «déstabiliser l’Asie occidentale».

Le 14 août dernier, dans un communiqué de presse diffusé sur son site, l’ONU expliquait par exemple : «Le Conseil de sécurité a rejeté aujourd’hui par 2 voix contre, 2 voix pour et 11 abstentions, un projet de résolution présenté par les États-Unis, dans lequel il aurait [été] décidé que l’embargo sur les armes et l’interdiction de voyager imposés en Iran par la résolution 2231 du 20 juillet relative au Plan d’action global commun [JCPoA] sur le dossier nucléaire iranien, auraient continué de s’appliquer nonobstant la durée précisée pour chacune des sanctions, mais "jusqu’à ce que le Conseil en décide autrement".»

A ce titre, le ministère iranien des Affaires étrangères ajoute qu'il se réserve «le droit de prendre toutes les contre-mesures nécessaires pour garantir ses intérêts nationaux» en cas de «violation substantielle de la résolution et des objectifs», par exemple une prorogation unilatérale des sanctions

«La normalisation de la coopération défensive de l'Iran avec le monde est une victoire pour la cause du multilatéralisme, de la paix et de la sécurité dans notre région», s’est réjoui sur Twitter le ministre iranien des Affaires étrangères, Javad Zarif. «Les armes en Iran ont toujours été défensives. Elles n'ont pas déclenché de guerres et n'ont pas semé la corruption […] Nos objectifs sont toujours pacifiques et défensifs», a-t-il également fait valoir.

Le chef de diplomatie américaine, Mike Pompeo, a rapidement réagi à ces annonces, réitérant le 18 octobre que toute vente d'armes à l'Iran entraînerait des sanctions. «Les Etats-Unis sont prêts à se servir de leurs autorités nationales pour sanctionner tout individu ou entité qui contribue de façon matérielle à l'approvisionnement, la vente et le transfert d'armes conventionnelles à l'Iran», a assuré Mike Pompeo dans un communiqué.

Depuis le retrait américain du JCPoA décidé par Donald Trump en mai 2018, les Etats-Unis ne cessent de remettre en cause l’accord conclu à Vienne en 2015, arguant qu’il ne présente pas les garanties suffisantes pour éviter que Téhéran se dote de l’arme nucléaire. Des accusations balayées par l’Iran qui réfute avoir jamais voulu disposer d’un tel arsenal. Donald Trump avait même qualifié le JCPoA de «pire accord jamais négocié».

Toujours est-il que désormais, en théorie, les Etats devraient être libres de vendre des armes à l’Iran. Moscou n’a par exemple pas caché sa volonté de développer sa coopération militaire avec la République islamique après la levée de l’embargo. «L'expiration de "l'embargo sur les armes" contre l'Iran le 18 octobre facilitera sans aucun doute notre interaction avec Téhéran dans ce domaine [la coopération militaire]. Certaines perspectives s'ouvrent dans ce sens», a déclaré Levan Dzhagarian, ambassadeur de Russie en Iran, le 18 octobre auprès de l'agence Interfax, assurant que «la Russie agit invariablement en stricte conformité avec les normes du droit international et respecte strictement ses obligations».

La Chine, qui avait comme la Russie voté contre la résolution américaine présentée en août au Conseil de sécurité de l'ONU, s'est également montrée intéressée par le marché iranien et pourrait devenir un des principaux fournisseurs de Téhéran en armements, malgré la décision américaine de prolonger les sanctions contre l'Iran.

Alexis Le Meur