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Haut-Karabagh : Libé s'attaque au «discours anti-musulman» de la «fachosphère»... puis se ravise ?

Les forces de Bakou et des combattants arméniens s'affrontent dans le Haut-Karabagh, où la présence de mercenaires étrangers interroge. L'occasion pour Libé de s'attaquer au discours de la «fachosphère française» dans un article qui a disparu.

Publié le 1er octobre sur le site du journal Libération, un article intitulé «Face à l'Azerbaïdjan, l'extrême droite française défend l'Arménie», a mystérieusement disparu du site du quotidien.

L'angle journalistique était annoncé dès l'accroche qui cherchait à sensibiliser le lecteur sur l'existence d'«un discours anti-musulman» en France, «visant à faire du président turc Recep Tayyip Erdogan l’épouvantail d’un islam présenté comme conquérant et menaçant l’Occident chrétien».

Toujours disponible dans le stockage en cache du moteur de recherche Google, l'article en question s'attaquait en effet à ce que ses auteurs avaient qualifié d'«intérêt opportuniste [de la part de] la fachosphère française», terme ici utilisé par Libération pour regrouper plusieurs personnalités issues de milieux de la droite conservatrice et radicale, qui selon le quotidien de gauche, se seraient focalisés à tort sur «le prisme confessionnel» de la situation en cours dans la république autoproclamée du Haut-Karabagh.

«Un prisme pourtant secondaire dans ce conflit [...] Personne n’est en mesure, à l’heure actuelle, de dire qui est responsable de ce nouveau regain de tensions de cette guerre larvée qui dure depuis près de trois décennies», peut-on notamment lire dans l'article. «Ces groupes relèvent plutôt du mercenariat et ne sont pas jihadistes. Ils les ont même parfois combattus», affirment encore ses auteurs en référence à la présence de combattants islamistes pro-turcs dans la région.

Contacté par nos soins, Libération n'a pour l'heure pas donné suite à nos sollicitations au sujet de la soudaine disparition de cet article.

Hasard du calendrier ? A l'instar des diplomaties russe et arménienne, Emmanuel Macron a affirmé le jour-même que la France détenait des informations selon lesquelles «300 combattants [avaie]nt quitté la Syrie pour rejoindre Bakou en passant par Gaziantep [Turquie]» : «Ils sont connus, tracés, identifiés, ils viennent de groupes djihadistes qui opèrent dans la région d'Alep», a précisé le président de la République.

En tout état de cause, plusieurs personnalités, issues des sphères politiques et médiatiques, ont vivement réagi au contenu du défunt article.

Au sein du Rassemblement national par exemple, Jean Messiha a ainsi répondu à Libération qui l'avait mentionné dans son article : «Face à l'agression perpétrée contre les Chrétiens du Haut Karabagh, Libe soutient l'Azerbaidjan musulman lui-même soutenu par la Turquie de l'islamo-fasciste Erdogan» Et le membre du RN d'ajouter : «La grandeur de la démocratie c'est de laisser les pires traitres s'exprimer.»

«Pourquoi cet article a disparu du site de Libé ? Est-ce que seule l’extrême droite soutient l’Armenie dans ce bras de fer ? Critiquer le nationalisme d’Erdogan, c’est critiquer l’islam ?», a pour sa part interrogé l'enseignante et militante laïque Fatiha Agag-Boudjahlat.

«Et Manouchian il était d'extrême-droite? La gauche va malheureusement continuer de s'enfoncer dans une remugle idéologique corrompu (ici la promotion de l'islam politique d'Erdogan) à cause de journaux comme Libe», a pour sa part tonné sur Twitter George Kuzmanovic, ancien porte-parole de La France insoumise (et par ailleurs intervenant régulier sur RT France).

Pour rappel, non reconnue par les Nations unies, la république autoproclamée du Haut-Karabagh est située au sud-ouest de l’Azerbaïdjan et fait l'objet, depuis le 27 septembre, d'intenses affrontements entre les forces de Bakou et des combattants arméniens de la région.

Mise à jour : Le rédacteur en chef adjoint de Libération, Jonathan Bouchet-Petersen, affirme auprès d'Arrêt sur image que la dépublication de cet article est temporaire. Celle-ci a été décidée après que l'envoyée spéciale de Libération dans la région a fait savoir à sa rédaction «que cet article compliqu[ait] son travail sur un terrain déjà compliqué». «On a fait un arbitrage à court terme, entre maintenir sur le site un article pointant la façon dont l'extrême droite s'agite, et la nécessité de sécuriser le travail d'une journaliste sur le terrain, alors que deux journalistes du Monde venaient d'être blessés dans un bombardement», explique Jonathan Bouchet-Petersen.

Fabien Rives