Le président de Biélorussie Alexandre Loukachenko a accordé, ce 8 septembre, une interview aux quatre principaux médias russes. Margarita Simonian, rédactrice en chef de la chaîne de télévision internationale RT, Anton Vernitsky, correspondant de la chaîne Pervy Kanal, Evgueni Rojkov, présentateur de l'émission Vesti sur la chaîne de télévision Rossia 1, et Roman Babaïan, rédacteur en chef de la station radio Govorit Moskva ont été reçus au palais de l'Indépendance, à Minsk. Le chef de l'Etat a répondu à près de 20 questions en deux heures et s'est exprimé sur plusieurs sujets qui enflamment l'actualité biélorusse depuis sa réélection contestée du 9 août dernier. Retour sur les temps forts de l'entretien.
Sur sa présidence :
«Oui, peut-être, j’occupe mon poste depuis un peu trop longtemps. [...] Mais aujourd’hui, je suis effectivement le seul à être capable de protéger la Biélorussie», a déclaré le président Alexandre Loukachenko.
Par ailleurs, Loukachenko a admis que, «en tant qu'être humain», il est vexé par ces manifestations, mais en même temps il comprend qu’une partie des Biélorusses ont oublié la situation dans laquelle leur pays se trouvait il y a 20 ans, quand il est arrivé au pouvoir.
Sur les manifestations :
En revenant sur sa victoire lors du scrutin du 9 août dernier et les manifestations qui ont suivi, Alexandre Loukachenko a regretté la situation dans laquelle son pays est plongé depuis maintenant un mois.
«Bien sûr, pour moi, c'est très blessant et tragique, si vous voulez. Mais cela ne signifie pas que j'ai baissé les bras, parce que j’ai une attitude philosophique envers cela. Eh bien, un jour, Dieu m'appellera. Mais je dois protéger ce qui a est créé par nos mains, protéger ces gens qui ont créé tout cela et c’est la majorité écrasante, comme l'a dit Margarita [Simonian], la majorité a voté pour moi. [...] Peut-être qu'ils en ont marre quelque part, mais ils m'ont soutenu. C'est le sens de ma vie maintenant.»
Sur l'action des forces de l’ordre :
Evgueni Rojkov, journaliste de la chaîne Rossïa 1, a partagé en avant-première quelques détails de l'entretien. Il rapporte ainsi que selon Loukachenko «on ne peut pas en vouloir aux agents des forces spéciales du ministère de l’Intérieur, parce qu’ils ont protégé leur pays face à une blitzkrieg (guerre éclair en allemand, ndlr.) et l’ont effectivement défendu». «C’est son opinion sincère», a ajouté le journaliste.
Sur son apparition avec un fusil d'assaut :
Alexander Loukachenko a expliqué que son apparition avec un fusil d'assaut, dans une vidéo massivement partagée sur les réseaux sociaux, doit être interprétée comme sa volonté à défendre son pays jusqu'au bout. «C'était une impulsion de l'âme. Peut-être que si j'avais été moins remonté, je ne l'aurais pas fait», a-t-il déclaré selon Anton Vernitsky, correspondant de la chaîne Pervy Kanal. «Mon apparition avec un fusil d'assaut ne signifiait qu'une chose : je n'ai fui nulle part et je suis prêt à défendre mon pays jusqu'au bout», a ajouté le chef de l'Etat.
Sur l'opposition :
A la question des journalistes de savoir qui était derrière le mouvement de protestation en Biélorussie, Loukachenko a répondu que d'une part, il y a des ingérences extérieures. Le président a exprimé l'opinion selon laquelle ce sont les Américains qui opèrent à travers des centres en Pologne et en République tchèque. Mais il y a aussi des raisons internes à cette crise, a noté le président, selon le journaliste Evgueni Rojkov cité par l'agence TASS. D'après le chef de l'Etat, deux nouvelles générations ont grandi en Biélorussie depuis les années 1990, une classe de «bourgeoisie» s'est formée et maintenant elle «veut du pouvoir».
Sur le véritable objectif de la contestation :
«Nous savons qui se cache derrière toutes ces chaînes Telegram (qui appellent à des manifestations, ndlr). Ce sont les Américains. Nous devons tous comprendre qu'en ce moment, il ne s'agit pas de la Biélorussie. Leur objectif principal est la Russie», a affirmé Alexandre Loukachenko cité par Roman Babaïan, rédacteur en chef de la radio Govorit Moskva, l'un des 4 journalistes présents à la rencontre avec le président biélorusse.
«Vous savez, ce qu'on a conclu avec l'establishment et les autorités russes ? Si la Biélorussie tombe, la prochaine, ce sera la Russie», a-t-il assuré, cité par l'agence Ria Novosti après un entretien accordé à plusieurs médias russes.
Sur l'intégration avec la Russie :
«Nous sommes prêts à poursuivre l'intégration avec la Russie, mais il faut d'abord que toutes les institutions et tous les projets déjà existants dans le cadre de l'Etat de l'Union (fondé en 1996 entre la Russie et la Biélorussie) fonctionnent réellement», a estimé Alexandre Loukachenko répondant aux questions des journalistes russes.
Sur les élections présidentielles anticipées :
«Je ne partirai pas comme ça. Cela fait un quart de siècle que je construis la Biélorussie. Je ne vais pas abandonner tout cela. De plus, si je pars, mes partisans se feront égorger!», a annoncé le président selon la chaîne Telegram de Roman Babaïan. Selon lui, Alexandre Loukachenko n'exclut pas la possibilité de l'élection présidentielle anticipée après une réforme constitutionnelle. «Nous sommes prêts à réformer la Constitution, après cela je n'exclus pas une élection présidentielle anticipée» a repris l'agence TASS sa déclaration.
Sur l'arrestation de Maria Kolesnikova :
Par ailleurs, Loukachenko a affirmé être informé de la situation autour de Maria Kolesnikova, membre du conseil de coordination, arrêtée à la frontière avec l'Ukraine ce 8 septembre dans des circonstances troubles. Selon lui, son interpellation est «justifiée».
«J’ai demandé: «Pourquoi en Ukraine au lieu de la Lituanie, la Pologne comme d’habitude ?». On m’a dit qu’elle avait des parents là-bas. Je ne l’affirme pas, je ne sais pas tout pour le moment. Elle a donc été arrêtée, et quant aux deux autres, nous demandons aux gardes-frontière ukrainiens de les faire revenir en Biélorussie, on va vérifier ce qui s’est passé», a déclaré le chef de l'Etat.
Sur la chose la plus importante dans sa vie:
«Pour être honnête, je ne sais même pas. C'est difficile à dire. Eh bien... mes enfants et les enfants de ceux qui sont avec moi. C'est ce qui me maintient vraiment dans cette situation, et vous le savez probablement aussi, c’est : si Loukachenko tombait maintenant, ce serait tout le système qui s'effondrerait, et la Biélorussie avec», a estimé Alexandre Loukachenko.