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Trump veut activer une procédure contestée à l'ONU pour rétablir les sanctions anti-Iran

Pour rétablir «pratiquement toutes» les sanctions contre l'Iran, Donald Trump veut utiliser le «snapback», un mécanisme prévu par l'accord de 2015 sur le nucléaire iranien. Alors même les Etats-Unis ont quitté unilatéralement cet accord.

Donald Trump a annoncé le 19 août que les Etats-Unis allaient activer le «snapback», une procédure controversée aux Nations unies, afin de rétablir toutes les sanctions internationales contre l'Iran.

«Aujourd'hui, j'ai demandé au secrétaire d'Etat Mike Pompeo de notifier au Conseil de sécurité de l'ONU que les Etats-Unis entendaient rétablir pratiquement toutes les sanctions des Nations unies contre l'Iran jusque-là suspendues», a dit le président américain, en évoquant ce mécanisme surnommé «snapback», prévu par l'accord de Vienne de 2015 sur le nucléaire iranien en cas de non respect de ses engagements par un pays signataire.

Le département d'Etat a ensuite précisé que Mike Pompeo se rendrait ces 20 et 21 août à New York pour cela. La plupart des autres membres du Conseil de Sécurité de l'ONU contestent toutefois que Washington soit habilité à activer ce processus, puisque les Etats-Unis ont quitté unilatéralement cet accord en 2018.

Le locataire de la Maison Blanche a de nouveau qualifié de «désastreux» le texte censé empêcher Téhéran de se doter de la bombe atomique, estimant qu'il s'agissait du «produit de l'échec de la politique étrangère» de son prédécesseur démocrate Barack Obama et de son vice-président Joe Biden, qui l'affrontera en novembre dans la course à la Maison Blanche. Selon l'administration Trump, la levée des sanctions décidée en 2015 en échange des engagements iraniens en matière nucléaire a permis à la République islamique d'engranger des dizaines de milliards de dollars utilisés pour répandre «le chaos, le sang et la terreur» au Moyen-Orient et partout dans le monde.

Veto inversé

«Dans le premier mois qui suivra ma victoire à l'élection, l'Iran viendra nous demander un accord très rapidement car ils ne s'en sortent pas très bien», a assuré Donald Trump lors d'une conférence de presse.

Les Etats-Unis ont déjà rétabli, et même durci, leurs propres sanctions bilatérales contre Téhéran. En riposte, l'Iran a commencé à se désengager de l'accord en accroissant notamment son stock d'uranium enrichi. Washington veut maintenant que le reste du monde, y compris les autres signataires de l'accord (Chine, Russie, France, Royaume-Uni et Allemagne) qui tentent par tous les moyens de le sauver, rétablissent toutes les sanctions internationales. Isolée comme jamais sur ce dossier, la diplomatie américaine a toutefois échoué la semaine dernière à obtenir une prolongation de l'embargo sur les armes visant l'Iran devant le Conseil de sécurité.

En 2015, après de longues négociations, les membres permanents du Conseil de sécurité (Etats-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni) ainsi que l'Allemagne avaient conclu un accord avec l'Iran : en échange de l'engagement iranien à ne pas mener d'activités nucléaires à des fins militaires, les sanctions contre Téhéran avaient été levées. L'accord de Vienne avait été entériné par la résolution 2231 du Conseil de sécurité.

Mais à l'époque, l'administration américaine du démocrate Barack Obama s'était vantée d'avoir obtenu une clause «unique» lui permettant, en cas de manquement de Téhéran à ses obligations, de ré-imposer toutes les sanctions sans craindre un veto d'un autre Etat. C'est donc une sorte de veto inversé que le président Trump veut tenter d'imposer, alors même qu'il a retiré son pays de l'accord en question.

Or, pour activer ce «snapback» dès le 21 août, Washington invoque justement le statut de «participant» à ce même texte qu'il avait quitté avec fracas, au motif que la résolution 2231 qui le lui a octroyé est toujours en vigueur.

Quelle sera la suite des événements ?

Le président en exercice du Conseil de sécurité – l'ambassadeur indonésien ce mois-ci – devrait «consulter discrètement les pays membres» pour s'avoir «s'ils pensent que les Etats-Unis ont le droit d'activer le processus de snapback», selon Richard Gowan, de l'organisation de prévention des conflits International Crisis Group, cité par l'AFP.

La réponse ne fait guère de doute selon lui : une grande majorité de pays, y compris les alliés européens de Washington, devraient dire «non». Le président du Conseil pourrait donc décider rapidement de classer sans suite la plainte américaine, selon cet expert.

C'est là que les Etats-Unis pourraient tenter une manœuvre encore plus baroque, en déposant eux-mêmes un projet de résolution en faveur du maintien de la levée des sanctions – l'inverse de ce qu'ils réclament – pour ensuite opposer leur veto à leur propre texte. «Le plus probable, c'est que la dernière semaine de septembre, les Etats-Unis revendiqueront le succès du snapback», estime Richard Gowan. «Il y aura deux univers parallèles, un univers américain où les sanctions contre l'Iran auront été totalement rétablies et puis un univers avec la plupart des autres membres du Conseil» où «rien de tel n'aura eu lieu».

La Russie et la Chine ont d'ores-et-déjà dénoncé la volonté américaine de réimposer des sanctions internationales contre l'Iran. Auprès de l'agence RIA, le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Ryabkov a fait valoir que cette réactivation de sanctions n'avaient ni bases légales, ni bases politiques. Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lijian, a quant à lui estimé que les Etats-Unis n'avaient «aucune compétence pour exiger des sanctions», étant sorti de l'accord de 2015 sur le nucléaire iranien, rapporte l'agence Tass.