L'ancienne conseillère à la sécurité nationale sous la présidence de Barack Obama, Susan Rice, a accusé, lors d'une interview à CNN le 31 mai, la Russie d'ingérence dans la vague de manifestations et d'émeutes qui parcourt les Etats-Unis depuis la mort de George Floyd le 25 mai. Moscou a balayé ces accusations, soulignant qu'elles ne représentaient pas la position officielle de Washington.
L'objectif russe ? «Nous désintégrer de l'intérieur»
Cela est également sorti des manuels russes
«Nous avons des manifestants pacifiques concentrés sur la douleur et les disparités très réelles contre lesquelles nous luttons tous et qui doivent être combattues, puis nous avons des extrémistes qui sont venus pour essayer de détourner ces manifestations et de les transformer en quelque chose de très différent», a déclaré Susan Rice au cours de son intervention sur CNN.
Et de poursuivre : «Et ils [les extrémistes] sont probablement aussi, je parierais sur la base de mon expérience, je ne lis pas les informations des services de renseignements ces jours-ci, mais sur la base de mon expérience, cela est également sorti des manuels russes.»
Susan Rice fait ensuite valoir que les autorités américaines ne peuvent accepter que des extrémistes et des acteurs étrangers distraient Washington des problèmes réels du pays.
«Ce que nous voyons depuis des années, et honnêtement tous les jours sur les réseaux sociaux, [c'est qu'] ils [les Russes] prennent chaque enjeu sensible tels que l'immigration, les droits des homosexuels, les violences par armes à feu et toujours le racisme, et ils jouent des deux côtés. Leur objectif n'est pas seulement de mettre dans l'embarras les Etats-Unis. Leur objectif est de nous diviser [...] et de nous désintégrer de l'intérieur», estime-t-elle.
Et d'ajouter : «Je ne serais pas surprise d'apprendre que la Russie a incité des extrémistes des deux côtés à l'aide des réseaux sociaux. Je ne serais pas surprise si Moscou les finance sous telle ou telle forme.»
«Méthodes sales de manipulation de l'information» et «parfait exemple de propagande», selon Moscou
En réponse aux allégations de Susan Rice, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a publié le 1er juin sur Facebook un droit de réponse incisif, adressé directement à l'ancienne conseillère à la sécurité nationale.
«Il y a quelque temps, vos collègues du parti [démocrate] ont commis une erreur fatale en décidant d'accuser la Russie d'absolument tout ce qui ne leur plaisait pas. Hillary Clinton et l'équipe Obama se sont convaincues et ont tenté de convaincre le monde que les problèmes domestiques des Etats-Unis avaient été créés et aggravés par une force extérieure : la Russie», a lancé Maria Zakharova à l'égard de Susan Rice.
Et de continuer : «Vous répétez cette erreur aujourd'hui avec un journaliste de CNN, en utilisant des méthodes sales de manipulation de l'information, telles que des fake news, sans avancer le moindre fait pour prouver vos allégations. Votre entretien avec CNN est un parfait exemple de propagande.»
La diplomate russe ajoute ensuite que les réseaux sociaux «dont [Susan Rice pense] qu'ils sont utilisés par des agents russes pour alimenter les manifestations dans les villes américaines, ont été enregistrés aux Etats-Unis, appartiennent aux Américains et sont réglementés par les lois américaines».
«Essayez-vous de rejouer la carte Russie ? Vous [la] jouez depuis trop longtemps ; s'il vous plaît, revenez à la réalité. Sortez et faites face à votre peuple, regardez-le dans les yeux et essayez de lui dire qu'il est contrôlé par les Russes via YouTube et Facebook. Et je vais m'asseoir et regarder "l'exceptionnalisme américain" en action», conclut Maria Zakharova à la fin de son message.
De son côté, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a également tenu à réagir le 1er juin lors d'une conférence de presse. «Nous surveillons certainement très attentivement ce qui se passe aux Etats-Unis. Mais tout ce qui se passe là-bas relève des affaires internes de ce pays», a-t-il souligné. Et d'ajouter : «Nous ne nous sommes jamais mêlés des affaires américaines et nous n'allons pas interférer maintenant.»
Réprouvant les déclarations de l'ancienne conseillère à la sécurité nationale, Dmitri Peskov a rétorqué : «Toute spéculation comme celle [de Susan Rice] est clairement fausse et erronée. D'après ce que nous comprenons, une telle spéculation ne peut pas refléter la position officielle de Washington.»
Moscou responsable de tous les malheurs américains ?
Les propos tenus par Susan Rice s'inscrivent-ils dans la stratégie politique du Parti démocrate américain visant à brandir à l'envi, et sans s’embarrasser de preuves, le spectre d'une collusion entre l'administration Trump et Moscou ?
Si l'interférence russe n'est pas, pour l'heure, la ligne officielle du Parti démocrate pour expliquer les événements ayant cours aux Etats-Unis, ce n'est pas la première fois que des personnalités politiques américaines, amplifiées par certains médias, utilisent l'argument russe.
Sur CNN le 30 mai, l'ancien maire démocrate de la Nouvelle-Orléans (1994-2002) Marc Morial avait estimé : «La prochaine conférence de presse [des autorités de Minneapolis] nous donnera des informations sur qui est derrière cet accès de violence. Si ce sont les suprémacistes blancs, si ce sont les Russes, si ce sont d'autres acteurs étrangers qui ont tenté d'exploiter la douleur et d'exploiter les protestations légitimes, alors c'est un nouveau cap [franchi] dans notre pays et ils devraient eux aussi être arrêtés et poursuivis.»
«Je soupçonne depuis un certain temps maintenant que bon nombre de ces protestations en ligne sont exploitées par d'autres. Les Russes dans les élections de [20]16 se sont donné beaucoup de mal pour prétendre être des activistes noirs [...] Sont-ils impliqués ici ? Eh bien nous devons aussi le savoir maintenant», avait-il poursuivi.
Les propos avaient alors été dénoncés par Donald Trump. «Nous y voilà encore», avait soupiré, sur Twitter, le président américain, ajoutant : «[Les] fausses info de CNN accusent la RUSSIE, RUSSIE, RUSSIE. Ce sont des perdants malades avec de très mauvais chiffres ! PS : ils ne peuvent pas accuser la Chine parce qu'ils ont besoin d'argent ?»
Donald Trump en guerre contre les antifas
Le président américain a de son côté en ligne de mire un autre ennemi : la mouvance d'extrême gauche dite «antifa», qu'il accuse d'inciter à la violence. Il a d'ailleurs annoncé son intention de la faire classer comme organisation terroriste.
Depuis la mort de George Floyd, Afro-Américain de 46 ans décédé lors de son interpellation par la police de Minneapolis (Minnesota), de nombreuses grandes villes des Etats-Unis sont le théâtre de manifestations contre les violences policières et le racisme, mais aussi de heurts entre manifestants et forces de l'ordre, d'actes de vandalisme et de pillages de commerces. Des villes comme Washington ou Los Angeles ont imposé un couvre-feu afin d'empêcher les rassemblements de déboucher sur de nouvelles violences – avec des résultats relativement peu probants pour l'instant.
A ce jour, des centaines de soldats de la Garde nationale ont été déployés dans 15 Etats américains ainsi qu'à Washington.