L'information sur les réseaux sociaux sera-t-elle à compter parmi les victimes du coronavirus ? La question est plus que jamais d'actualité au regard des récentes déclarations de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, et des actions déjà entreprises par les géants du secteur.
Pour Ursula von der Leyen, le rôle de l'Union européenne et des réseaux sociaux est en effet simple : «rétablir la vérité» quant aux informations qui circulent au sujet de la pandémie, afin d'éviter la propagation de fausses informations susceptibles de «vraiment faire du mal» à tout un chacun. Dans cette optique, la présidente de la Commission européenne explique que le bloc travaille main dans la main avec les géants de l'internet pour que ceux-ci «facilitent l'accès aux sources officielles [...] et rétrogradent ou suppriment les contenus préjudiciables ainsi que les annonces trompeuses».
Une tâche que Facebook, Google (et sa filiale YouTube), Microsoft (et sa filiale LinkedIn), Reddit et Twitter ont pris à bras le corps, en «étroite collaboration» : «Nous aidons des millions de personnes à rester connectées tout en luttant conjointement contre la fraude et la désinformation sur le virus, en mettant en avant le contenu faisant autorité sur nos plateformes et en partageant les mises à jour essentielles en coordination avec les agences gouvernementales de santé du monde entier», ont-ils ainsi fait savoir le 17 mars, dans une – rare – déclaration conjointe. Facebook et sa filiale Instagram, ont par ailleurs précisé dans un communiqué comment ils luttaient de façon concrète contre la «désinformation» : «Nous retirons des contenus sur Facebook et Instagram qui enfreignent nos conditions d'utilisation, lesquelles n'autorisent pas la désinformation pouvant causer des torts physiques aux personnes.»
Bolsonaro et Giuliani censurés après avoir vanté l’hydroxychloroquine
Sous couvert de cet objectif louable, les géants du secteur, critiqués depuis des mois pour leurs politiques de gestion des contenus, n'ont pas tardé à dériver. Les responsables politiques de premier plan ne sont ainsi plus à l'abri du contrôle de l'information exercé par les réseaux sociaux.
Le président brésilien Jair Bolsonaro a, par exemple, vu Facebook et Twitter supprimer une vidéo dans laquelle il vantait les mérites de l’hydroxychloroquine contre le Covid-19. «Ce remède-là, l’hydroxychloroquine, donne de bons résultats partout où il est utilisé», soutenait le chef d'Etat dans cette vidéo, où il s'opposait par ailleurs catégoriquement au confinement recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Même sanction sur Twitter pour l’ancien maire de New York et proche de Donal Trump, Rudy Giuliani, qui avait affirmé dans un message supprimé par la plateforme que «l’hydroxychloroquine a un taux de 100 % de réussite pour soigner le coronavirus». Si le chiffre est contestable aux vues des premières études médicales sur le sujet, il n'en demeure pas moins que la censure de responsables politiques par des entreprises privées pose certainement question.
Le professeur Raoult dans le viseur des Décodeurs
D'autant que, si Ursula von der Leyen a préféré insister sur des exemples caricaturaux pour justifier la censure sur les réseaux sociaux, force est de constater que les experts scientifiques n'évitent pas les Fourches Caudines des géants de l'internet. C'est ainsi que le professeur Didier Raoult, infectiologue pourtant mondialement reconnu, a vu une de ses publications sur le traitement à l’hydroxychloroquine être qualifiée d'«information partiellement fausse» sur Facebook.
Par parvenir à ce jugement péremptoire, le réseau social s'est appuyé sur le site de vérification des faits du Monde avec qui il collabore, le controversé Décodeurs. Celui-ci estimait que la publication de l'expert contenait des «informations trompeuses», et a donc aiguillé le réseau social pour que celui-ci mette en garde ses utilisateurs. «Le Monde a décidé que ce que je disais, en rapportant ce qu’avaient publié les Chinois, n’était pas vrai. Il y a même eu "fake news" pendant 36 heures inscrit sur le site du ministère de la Santé !», avait remarqué à cette occasion le professeur Didier Raoult, qui échange avec les autorités sanitaires du pays depuis le début de la crise.
Les dispositions prises par les réseaux sociaux interrogent d'autant plus sur leur légitimité que désormais, à la suite de l'étude médicale du professeur Didier Raoult dont les conclusions viennent d'être validées par une étude randomisée menée en Chine, de nombreux pays se sont décidés à utiliser le traitement à l’hydroxychloroquine à à l’azithromycine. De quoi se demander si l'heure de réguler les réseaux sociaux est arrivée ?