C'est un entretien qui pourrait affaiblir davantage la défense de l'écrivain Gabriel Matzneff, déjà visé par une enquête pour viols sur mineurs et qui doit être jugé en septembre 2021 pour «apologie» de la pédophilie. Dans les colonnes du New York Times, Francesca Gee, 62 ans, revient sur les trois années passées auprès de lui, alors qu'elle avait 15 ans et lui 37.
Elle raconte comment il a utilisé, contre son gré, son image et ses lettres dans ses écrits : La Passion Francesca : journal 1974-1976 et son essai qui défendait la pédophilie Les moins de seize ans.
Il n’a cessé de se servir de moi pour justifier l’exploitation sexuelle des enfants et des adolescents
«Il n’a cessé de se servir de moi pour justifier l’exploitation sexuelle des enfants et des adolescents», a-t-elle écrit dans un manuscrit refusé notamment par Grasset, éditeur du Consentement de Vanessa Springora.
Comme cette dernière avant elle, Francesca Gee a rencontré Gabriel Matzneff pour la première fois en 1973, en compagnie de sa mère. Elle a ensuite vécu avec l'écrivain trois ans avec l'aval de ses parents. Aujourd'hui, elle qualifie cette expérience de «cataclysme». D'ailleurs, courant 2004, elle avait écrit un manuscrit sur cette relation traumatisante or celui-ci avait été refusé par tous les éditeurs sollicités.
Finalement elle décide de sortir du silence après la parution et le succès du livre Le Consentement de Vanessa Springora qui aura vécu la même expérience dans les années 1980 (soit 10 ans après celle de Francesca Gee). «Elle a fait le travail, je n’ai plus à m’en préoccuper», a-t-elle d'abord pensé, avant de changer d'avis. «Une ou deux semaines plus tard, je me suis rendu compte que je faisais totalement partie de cette histoire».
Une attirance pour les «moins de 16 ans»
Cette ancienne journaliste travaille actuellement sur un nouveau manuscrit après avoir passé des années à exiger que des photos d'elle et ses anciennes lettres soient retirées des ouvrages de Matzneff.
L'affaire Matzneff s'est emballée en début d'année avec la publication du récit de Vanessa Springora. Le livre a mis en lumière le fléau des violences sexuelles vis-à-vis des mineurs et la complaisance dont Matzneff a bénéficié dans un certain milieu littéraire parisien. En 2013, il avait obtenu le prix Renaudot essai.
L'écrivain de 83 ans, actuellement réfugié en Italie, a longtemps revendiqué son attirance pour les «moins de 16 ans» et le tourisme sexuel en Asie. Il a affirmé, fin janvier, «regretter» ses pratiques pédocriminelles passées, tout en faisant valoir qu'alors «jamais personne ne parlait de crime».