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Le carnaval d'Alost en Belgique à nouveau accusé d'antisémitisme

Après avoir provoqué un tollé en 2019 avec des poupées caricaturant les juifs, les organisateurs du carnaval belge d'Alost ont récidivé en 2020. Face aux accusations d'antisémitisme, ils plaident la liberté d'expression.

Après la polémique de l'année passée, le carnaval d'Alost, en Belgique, fait à nouveau parler de lui en 2020. Cet événement vieux de 600 ans est accusé d'antisémitisme à cause de la présence dans le cortège d'un char caricaturant des juifs orthodoxes.

En 2019, on pouvait notamment apercevoir des poupées représentant des juifs orthodoxes aux nez crochus, assis sur des sacs d'or. La polémique que ces représentations ont provoqué a abouti au retrait du carnaval de la liste du patrimoine culturel immatériel de l'Unesco. L'organisation onusienne a fustigé lors d'une réunion décisive les «répétitions récurrentes de représentations racistes et antisémites» dans la manifestation. A ses yeux, elles sont incompatibles «avec l'exigence du respect mutuel entre communautés, groupes, individus...».

Pas de quoi dissuader le carnaval d'Alost, qui a décidé de récidiver en 2020. «Laissez Alost être Alost», avait prévenu dans la matinée le bourmestre, l'élu nationaliste flamand (N-VA) Christoph D'Haese, pointant du doigt les critiques «disproportionnées» venant notamment de voix officielles israéliennes. «Ce n'est pas une parade antisémite, Alost n'est pas une ville antisémite», a martelé l'édile.

Plus de trace de sacs d'or dans le défilé 2020, mais les deux papillotes tombant d'un grand chapeau de fourrure noir, accessoire caractéristique des juifs orthodoxes, sont visibles un peu partout. Certains ont choisi d'ajouter à ce déguisement un masque en faux cuir ressemblant à une muselière pour symboliser la «censure» imposée par le «politiquement correct». Beaucoup de calicots font référence à l'Unesco, moquée en Big brother qui surveille et punit.

Des politiques indignés

De nombreuses personnalités ont réagi, accusant cette année encore l'événement d'antisémitisme. «L'utilisation de stéréotypes, de référents stigmatisant des communautés, des groupes humains sur base de leurs origines conduit aux divisions et met en péril le vivre ensemble», a expliqué la Première ministre belge Sophie Wilmès.

«L’obstination dans l’erreur tourne au ridicule et à l’injure! Cela donne une image calamiteuse de la Belgique et de la Flandre. L’humour de certains reste incompréhensible... Il est plus que temps que l'Unia [Une institution publique indépendante chargée de lutter contre la discriminations] fasse enfin son boulot», a ajouté Philippe Close, le bourgmestre socialiste de Bruxelles.

Côté Français, l'eurodéputé Raphaël Glucksmann, s'est lui aussi indigné. «Les organisateurs disent que les juifs manquent d’humour parce qu’ils ne sont pas pliés en 4 en se voyant caricaturés en insectes. C’est peut-être —qui sait ? — le fait d’avoir été gazés comme des poux qui les rend un peu « touchy » à l’idée d’être réduits au statut de cloporte ?», a-t-il écrit sur Twitter.

Un «rituel» pour le maire d'Almost, les participants invoquent l'humour

Pour le bourgmestre d'Almost, il faut prendre en considération «le contexte global» de l'événement, qu'il a comparé à un «rituel d'inversion». Pendant trois jours «les pauvres deviennent riches, les riches deviennent pauvres, les hommes des femmes et les femmes des hommes», a expliqué l'édile. «Ici on rit de tout, de la famille royale, du Brexit, de la politique locale et nationale, et de toutes les religions, l'islam, le judaïsme, le catholicisme», a assuré Christoph D'Haese.

De fait l'humour à gros traits cible tous azimuts : les fake news de Jan Jambon (président N-VA de la Flandre) sur l'argent des immigrés, ou le difficile retour à la compétition de la joueuse de tennis Kim Clijsters, caricaturée en femme enceinte aux formes généreuses.

Les participants se défendent eux aussi de tout antisémitisme. Les participants «n'ont jamais eu l'intention de se moquer des juifs et de blesser, l'attention des médias est complètement exagérée», confie un infirmier de l'hôpital d'Alost, qui préfère taire son nom. Avec les gros sacs d'espèces, le groupe qui avait affrété ce char voulait faire une allusion à sa propre recherche de fonds pour prendre une année sabbatique, assure ce trentenaire. L'image était peut-être juste «maladroite», concède-t-il à propos de l'édition 2019.

«Allez à Anvers, chez les diamantaires, vous verrez ils sont comme ça», lance à ses côtés un homme déguisé en femme dans un grand sourire. Chaque année des dizaines de chars défilent au premier jour du carnaval, le dimanche précédent le Mardi gras, devant des dizaines de milliers de visiteurs.