Vladimir Poutine est catégorique : ses récentes propositions de révisions constitutionnelles ne visent pas à «prolonger son pouvoir». C'est ce qu'il a affirmé, ce 4 février, lors d'une rencontre avec des représentants de la société civile retransmise à la télévision. «Les amendements que j'ai proposés sont simplement dictés par la vie [...] J'ai acquis la certitude en exerçant mes fonctions de président et de chef du gouvernement que certaines choses ne fonctionnent pas comme elles le devraient», a-t-il ainsi déclaré.
Le président russe répond ainsi à la question que se posent les journalistes et experts en politiques en Russie et dans le monde – celle de savoir si Poutine restera au pouvoir après la fin de son mandat. Car au lendemain de l’annonce surprise d’un projet de réforme constitutionnelle, un grand nombre de médias ont affirmé qu'avec ces propositions, le chef de l'Etat russe cherchait un moyen de garder le pouvoir à vie.
En France, le média en ligne Slate titrait, à titre d'exemple, le 25 janvier : «Comment Vladimir Poutine change la Constitution pour garder le pouvoir».
Plus récemment, ce 4 février, l'AFP écrit à la fin d'une de ses dépêches : «Pour beaucoup d'analystes, Vladimir Poutine organise avec cette réforme l'après 2024, en se laissant le maximum de portes ouvertes pour préserver son influence tout en quittant le poste de président puisqu'il ne peut se représenter.»
Vladimir Poutine lui-même a entretenu le flou
Force est de constater que c’est Vladimir Poutine lui-même qui a longtemps entretenu le flou autour de son avenir politique et celui de la Russie après 2024. Souvent interrogé à ce sujet par les journalistes, il a pris l’habitude d’esquiver cette question ou de répondre par une blague. En mars 2018, interrogé par un journaliste sur l'éventualité de briguer un cinquième mandat en 2030, le président russe avait ironisé : «Croyez-vous que je vais vivre jusqu'à 100 ans ?»
Mais tout a changé quand Vladimir Poutine a prononcé son discours devant l’Assemblée fédérale russe, prenant de court non seulement les citoyens russes, mais aussi le gouvernement démissionnaire et Mikhail Michoustine, nommé Premier ministre le jour même.
Alors que les spéculations sur sa volonté de prolonger sa mainmise sur le pays repartent de plus belle dans les médias, Vladimir Poutine a enchaîné en l’espace de quelques semaines des déclarations qui permettent de voir plus clair quant à l’avenir politique du pays.
Le chef de l'Etat russe pourrait-il revenir à un autre poste ?
D'aucun lui prête l'ambition d'occuper un autre poste s'il n'est plus président, comme au Kazakhstan ou à Singapour, où l'ex-Premier ministre Lee Kuan Yew a continué de jouer un rôle central dans la politique de son pays, en devenant «ministre senior» puis «ministre mentor».
Dans sa réponse à un étudiant russe, le 22 janvier, Vladimir Poutine a écarté ce scénario. «Notre pays devrait être une république présidentielle forte [...] Ce que vous proposez saperait l'institution présidentielle. Je pense que pour un pays comme la Russie, cela ne peut pas s'appliquer», a-t-il déclaré.
Vladimir Poutine a également balayé l'idée de changer la Constitution afin de mettre fin à la limite de deux mandats du président. «Il serait très alarmant de revenir à la situation du milieu des années 1980 [en URSS], lorsque les chefs de l'Etat, un par un, restant au pouvoir jusqu'à la fin de leurs jours, ont quitté ce pouvoir, sans fournir les conditions nécessaires au transfert du pouvoir. Alors moi je vous remercie mais je pense qu'il vaut mieux ne pas revenir [à cette situation]», a affirmé le président russe le même jour. Des propos confirmés ce 4 février. «Doit-on prolonger le pouvoir du président actuel ? Je ne le pense pas», a-t-il assuré.
Le pouvoir du Parlement renforcé
La réforme constitutionnelle vise à rééquilibrer le pouvoir en Russie en donnant plus de compétences au Parlement dans la nomination du Premier ministre, tout en gardant un rôle fort du président, et musclant le rôle du Conseil d'Etat, organe jusqu'alors consultatif. Les amendements constitutionnels proposés par le président ont été validés fin janvier à l'unanimité par les députés russes en première lecture. Le président a déclaré, le 4 février, s'attendre à ce que le texte soit adopté définitivement d'ici un peu plus de trois mois.
Les réformes doivent être soumises par ailleurs au vote des Russes, mais ni sa forme ni son calendrier n'ont été annoncées.