Alors que la situation ne cesse de s’envenimer au Moyen-Orient depuis l’opération américaine menée en Irak contre le général Soleimani, alors chef de la force al-Qods (branche des Gardiens de la Révolution chargée des opérations extérieures), le 3 janvier, le président américain n’a pas hésité à ajouter de l’huile sur le feu en menaçant, une nouvelle fois, directement l’Iran.
«L’Iran parle de manière audacieuse de cibler certains intérêts américains comme vengeance pour avoir débarrassé le monde de leur chef terroriste qui venait de tuer un Américain, et qui en a blessé beaucoup d’autres, sans parler de toutes les personnes qu’il avait tuées au cours de sa vie, y compris récemment des centaines de manifestants iraniens», a fait savoir le 45ème président des Etats-Unis sur Twitter ce 5 janvier.
«Il avait déjà attaqué notre ambassade et se préparait à mener d’autres attaques dans d’autres endroits. L’Iran est un problème depuis des années. Que cela serve d’avertissement. Si l’Iran frappe des Américains, ou des intérêts américains, nous avons ciblé 52 sites iraniens (représentant les 52 Américains pris en otage il y a de nombreuses années) certains de grande importance pour l’Iran et sa culture, et ces cibles […] seront frappées de manière très dure et très rapide», a ajouté le locataire la Maison Blanche, assurant que «les Etats-Unis ne veulent plus de menaces».
De son côté, le général Abdolrahim Moussavi, commandant en chef de l'armée iranienne cité par l'agence Irna a commenté : «Ils disent ce genre de choses pour détourner l'attention de l'opinion mondiale de leur acte odieux et injustifiable [mais] je doute qu'ils en aient le courage.» Le ministre iranien des Affaires étrangères Javad Zarif a quant à lui assimilé une éventuelle attaque contre des sites culturels iraniens à un «crime de guerre».
Donald Trump répondait au général Gholamali Abuhamzeh, le commandant des Gardiens de la Révolution de la province de Kerman, d’où était originaire Qassem Soleimani, qui avait assuré le 3 janvier auprès de l’agence Tasnim que l’Iran punirait les Américains en réponse à la mort du chef de la force al-Qods, menaçant de frapper les Etats-Unis dans le détroit d’Ormuz. «Le détroit d'Ormuz est un point vital pour l'Occident et un grand nombre […] de navires de guerre américains le traversent. Des cibles américaines vitales dans la région ont été identifiées par l'Iran depuis longtemps. Quelques 35 cibles américaines dans la région, ainsi que Tel-Aviv [allié de Washington] sont à notre portée», avait-il fait savoir.
Une référence à la prise d'otage de l'ambassade de 1979
Par ailleurs, le nombre des cibles iraniennes potentielles, 52, n’a pas été choisi au hasard par le président américain mais bien en référence aux 52 Américains pris en otage dans l’ambassade étasunienne de Téhéran, entre novembre 1979 et janvier 1981, à la suite de la Révolution et du retour d’exil de Rouhollah Khomeini, qui deviendra le premier Guide de la Révolution de la toute nouvelle République islamique d’Iran. Cet événement avait marqué la fin des relations diplomatiques entre les deux nations.
Le corps de Qassem Soleimani est arrivé dans la soirée du 4 janvier en Iran après la journée de procession funéraire organisée en Irak, notamment dans les villes saintes de l’islam chiite que sont Kerbala et Najaf, et qui a réuni plusieurs dizaines de milliers de personnes. Dans un communiqué publié dans la nuit du 3 au 4 janvier, les Gardiens de la Révolution avaient confirmé que le général iranien serait enterré dans sa ville natale dans la province de Kerman à l’issue de trois jours de cérémonies d’hommage à travers tout le pays. Après un passage par la ville sainte chiite de Mechhed, deuxième agglomération du pays, ce 5 janvier, le corps du «martyr» devrait prendre la direction de Téhéran ou une grande cérémonie devrait avoir lieu le 6 janvier avant sa mise en terre le lendemain.
L’opération américaine menée contre Qassem Soleimani, au cours de laquelle le numéro deux du Hachd al-Chaabi, coalition de paramilitaires pro-iranienne formée pour lutter contre les djihadistes et désormais intégrée aux forces de sécurité irakiennes, Abou Mehdi al-Mouhandis, avait également trouvé la mort, avait fait réagir de nombreuses chancelleries, la plupart critiquant l’initiative étasunienne.
«Les actions des Etats-Unis constituent une violation flagrante du droit international fondamental et ne contribuent pas à trouver des solutions aux problèmes complexes qui se sont accumulés au Moyen-Orient, mais conduisent à une nouvelle escalade des tensions dans la région», avait estimé, le 4 janvier, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, lors d'un entretien téléphonique avec son homologue iranien Javad Zarif.
Mais l’annonce ce cette opération avait également divisé aux Etats-Unis. Si les Républicains semblaient majoritairement en phase avec l’initiative du président américains, les Démocrates ont eux largement remis en cause la décision de Donald Trump. Dans un communiqué publié le 4 janvier, Nancy Pelosi, chef des démocrates à la Chambre des représentants, avait fustigé un «engagement militaire provocateur, escalade et disproportionné» et appelé Donald Trump à «un briefing complet et immédiat du Congrès sur l'engagement militaire lié à l'Iran et les prochaines étapes à l'étude».
Dans 70 villes des Etats-Unis, dont Washington, des appels à manifester avec pour mot d'ordre le «retrait des USA d'Irak», avaient par ailleurs été lancés. «Pas de guerre et de sanctions contre l'Iran !», retrouvait-on encore parmi les slogans.
Alexis Le Meur