La Chine, l'Iran et la Russie organisent pour la première fois, ce 27 décembre, des exercices navals conjoints, dans le nord de l'océan Indien et en mer d’Oman. La veille, lors d’une conférence de presse à Pékin, Wu Qian, l'un des porte-parole du ministère chinois de la Défense, avait annoncé que le destroyer lance-missiles Xining, prendrait part aux exercices.
Ces manœuvres dureront jusqu’au 30 décembre et «devraient renforcer la coopération entre les marines des trois pays», selon le haut gradé chinois qui les a qualifiées d’«échange militaire normal», et a affirmé qu’elles étaient conformes au droit et aux pratiques internationales.
Ces exercices conjoints avaient été annoncés dès octobre, à Moscou, par le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov qui les a présentées comme un exercice de lutte «contre les pirates et les terroristes dans cette partie de l’océan Indien».
Des exercices militaires conjoints entre plusieurs pays, que ce soit sur terre, en mer ou dans les airs, indiquent une remarquable expansion de la coopération
Le 20 décembre, le ministère russe de la Défense avait précisé que des éléments de la flotte russe de la Baltique, qui venaient d’achever des manœuvres conjointes avec la marine indienne en mer d’Arabie, mettaient le cap sur le port iranien de Tchabahar. Il s’agit de la frégate Iaroslav Le Sage, du cargo ravitailleur Ielnia et du remorqueur Viktor Konentski.
«Montrer que l'Iran ne peut être isolé»
Ces exercices surviennent dans une période de tensions accrues dans le Golfe, depuis le retrait unilatéral de Washington en mai 2018 de l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien, suivi du rétablissement de sanctions américaines asphyxiant l'économie de la République islamique.
«Le message de ces exercices est la paix, l'amitié et la sécurité à travers la coopération et l'unité [...] et leur effet sera de montrer que l'Iran ne peut être isolé», a déclaré ce 27 décembre le contre-amiral Gholamreza Tahani à la télévision d'Etat. Celle-ci a diffusé des images de ce qu'elle a déclaré être un bateau de guerre russe arrivant au port de Chabahar (sud-est), indiquant par ailleurs que des navires chinois étaient aussi en route, et qualifiant les trois pays de «nouveau triangle de pouvoir maritime».
Début décembre l’amiral iranien Hossein Khanzadi avait expliqué en conférence de presse que le but de ces exercices était «d'assurer la sécurité collective et de contribuer à renforcer la sécurité dans la partie nord de l'océan Indien, où se produisent divers incidents, y compris des attaques de pirates». Mais quelques jours auparavant il avait aussi évoqué «un message au monde» et déclaré : «Des exercices militaires conjoints entre plusieurs pays, que ce soit sur terre, en mer ou dans les airs, indiquent une remarquable expansion de la coopération.»
Carrefour stratégique sur la route du pétrole
La zone où se déroulent les manœuvres est située face au détroit d’Ormuz qui verrouille l’accès du Golfe persique, sur les rives duquel sont situées les pétromonarchies arabes. La région est un carrefour stratégique par où passe environ un cinquième du commerce mondial de pétrole. Outre les actes de piraterie, elle est le foyer de tensions importantes entre l’Iran d’un côté, et l’Arabie saoudite ainsi que son allié américain de l’autre.
En septembre, par exemple, la responsabilité d’une attaque de drones et de missiles contre deux installations pétrolières saoudiennes revendiquée par les rebelles yéménites houthis a été immédiatement attribuée à l’Iran par l’Arabie saoudite, les Etats-Unis, la France et l’Allemagne. Une dizaine de jours plus tard les Etats-Unis ont annoncé le déploiement de 200 militaires américains et de missiles Patriot en Arabie saoudite, pour «répondre aux attaques récentes» selon le Pentagone.
En prélude aux «missions» européenne et américaine
Auparavant une demi-douzaine de cargos pétroliers avaient été victimes de sabotages également attribués par plusieurs pays à l’Iran. La tension a culminé en juin, avec la destruction en vol d’un drone américain par la défense antiaérienne iranienne, et l’arraisonnement par la République islamique d’un cargo pétrolier immatriculé au Royaume-Uni.
Depuis, les Etats-Unis tentent de bâtir une coalition navale sous leur commandement dans les eaux du Golfe, mais l’Allemagne et le Japon ont déjà officiellement décliné l’invitation. La France quant à elle s’emploie actuellement à bâtir une opération européenne dans «le Golfe arabo-persique» qui utiliserait sa base de Port Zayed aux Emirats arabes unis. Le 12 novembre, à Bruxelles la ministre française des Armées, Florence Parly en a décrit les objectifs : «Aider à établir les faits, assurer la présence et, surtout, calmer les esprits.»
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