«Le moment est venu pour les Etats-Unis de mettre sur la table la possibilité d’une attaque contre les raffineries de pétrole iraniennes s’ils poursuivent leurs provocations ou augmentent l'enrichissement nucléaire»... L’appel, le 14 septembre, du sénateur américain Lindsey Graham, est venu alimenter les tensions, déjà vives, entre les Etats-Unis et l’Iran. «L’Iran ne mettra pas fin à son mauvais comportement tant que les conséquences ne deviennent pas plus concrètes, comme par exemple des attaques contre ses raffineries, ce qui porterait un coup dur au régime», a-t-il poursuivi dans un second tweet.
Sur la même lancée, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a accusé l'Iran d'avoir «lancé une attaque sans précédent contre l'approvisionnement énergétique mondial».
Ces menaces américaines à l’encontre la République islamique interviennent après l’attaque contre deux installations pétrolières du groupe Aramco en Arabie saoudite, contraignant ce pays, premier exportateur mondial d'or noir, à cesser temporairement la production sur ces deux sites. Revendiquée par les rebelles yéménites houthis, cette attaque a en effet conduit à «la suspension provisoire de la production» sur les deux sites touchés, ce qui représente environ 50% de la production totale d'Aramco. Mais pour Washington, c'est l'Iran qui est responsable de cette attaque, malgré le démenti de la diplomatie iranienne.
Face aux propos belliqueux des responsables américains, la réponse iranienne a été immédiate : le 15 septembre, le porte-parole des Affaires étrangères iraniennes, Abbas Moussavi, cité par Reuters, a fustigé des accusations «stériles», «aveugles», «incompréhensibles» et «insensées».
Moscou appelle à la retenue, Washington n'exclut pas une riposte
C'est dans ce contexte d’escalade des tensions que la Russie a prôné l’apaisement : «Nous appelons tous les pays à s'abstenir de toute action ou conclusion hâtive à même d'aggraver la situation mais, au contraire, à maintenir une ligne qui aidera à l'apaiser», a déclaré Dmitri Peskov lors d’une conférence de presse organisée le 16 septembre. «Cet incident est une histoire très déplaisante avec des conséquences très déplaisantes pour les marchés mondiaux [du pétrole]», a en outre averti le porte-parole du Kremlin, formulant le souhait que l'Arabie saoudite puisse être «en mesure de venir à bout des dégâts le plus tôt possible».
Du côté américain, le coupable est tout désigné, à en croire un tweet, ce même 16 septembre, de Donald Trump, qui a affirmé que les Etats-Unis étaient «prêts à riposter». «Rappelez-vous, quand l’Iran a abattu un drone, affirmant sciemment que c’était dans leur "espace aérien", alors qu'en réalité il ne s'en était pas approché. Ils s'en sont fermement tenus à cette histoire en sachant que c'était un très gros mensonge. Maintenant, ils disent qu'ils n'ont rien à voir avec l'attaque contre l'Arabie saoudite. Nous verrons ?», a tweeté le président américain.
Quelques heures plus tard, lors d’une réunion ordinaire du Conseil de sécurité sur le Yémen, l’ambassadeur des Etats-Unis auprès de l’Organisation des Nations unies (ONU), Kelly Craft, a enfoncé le clou en affirmant que son pays disposait d’informations qui confirmeraient l’implication directe de l’Iran dans l'attaque. Et d'assurer dans la foulée qu’il n’existait aucun élément prouvant que cette offensive ait été menée depuis le Yémen.
Relevant la gravité des attaques, l'émissaire de l'ONU pour le Yémen, Martin Griffiths, a déclaré, de son côté, qu'il ne pouvait pas, pour l'heure, déterminer l'identité du belligérant : «Nous ne savons pas qui est derrière ces attaques mais le fait que les Houthis en aient revendiqué la responsabilité est en soi grave.» «Ce type d'action risque d’entraîner le Yémen dans un conflit régional», a-t-il averti, en évoquant une «escalade militaire inquiétante».
Le point de non-retour atteint ?
Les tensions entre les deux pays sont exacerbées depuis que les Etats-Unis se sont retirés unilatéralement en mai 2018 de l'accord international sur le nucléaire iranien conclu en 2015, avant de durcir les sanctions économiques contre Téhéran. La situation a menacé de tourner à l'affrontement militaire direct fin juin, après que la République islamique a abattu un drone américain. Selon Téhéran et Moscou, l'appareil avait violé l'espace aérien iranien, ce que Washington dément.
Le détroit d'Ormuz a également focalisé les tensions entre les deux nations, théâtre d'attaques contre plusieurs pétroliers en mer d'Oman le jour-même de la visite historique du Premier ministre japonais, Shinzo Abe, en Iran, censée présager de meilleures relations entre les deux pays. Là encore, les Etats-Unis avaient accusé la République islamique qui avait démenti. Quelques jours après, le 19 juillet, les Gardiens de la Révolution annonçaient avoir confisqué un pétrolier britannique dans le détroit. Plus récemment, en réponse au retrait américain de l'accord international sur le nucléaire, l'Iran avait décidé, le 7 septembre, de mettre en route des centrifugeuses avancées dont la production va augmenter le stock d'uranium enrichi produit par le pays.
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